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enfant prodige, mais, dès son plus jeune âge, il fit preuve d’une force de volonté qui restera, dans la suite des ans, comme une de ses principales caractéristiques. On raconte, en effet, qu’à l’âge de cinq ans, il se défit, à force de ténacité, d’un défaut de prononciation dont son amour-propre, déjà développé, souffrait amèrement. Dès cette époque aussi, il est peu sociable, autoritaire, se bat fréquemment avec ses frères et sœurs, court les champs pour y trouver la solitude. Il apprend avec avidité, mais toutes ses préférences vont à l’histoire.

A douze ans (1877), il est admis à l’école de cadets de Plœn. Il s’y montre excellent élève et développe encore son goût inné pour les études historiques. Il termine ses classes à l’école supérieure de Lichterfeld et, à dix-sept ans (1882), il est pourvu de son brevet d’officier. De sous-lieutenant au 57e régiment d’infanterie à Wesel, il passe, comme lieutenant, au 2e bataillon de marine à Kiel-Willemshaven, puis au 8e grenadiers à Francfort-sur-1’Oder.

Toute son activité studieuse, il l’emploie, hors du service, à travailler l’histoire de la Prusse et de l’Allemagne, les campagnes des grands généraux allemands et la géographie. L’histoire demeure toujours sa distraction favorite. Il y puise l’orgueil de sa nationalité ; il s’enthousiasme à la lecture des hauts faits des dirigeants de son pays ; Bismarck, cet homme à la poigne de fer et sans scrupules, lui apparaît comme le prototype du Grand Allemand ; il l’admire avec une telle intensité qu’il lui fait ouvrir une ère nouvelle ; les hommes d’État de l’ère « post-bismarckienne » d’aujourd’hui ne sont que des pygmées auprès du Chancelier géant. La dynastie des Hohenzollern, qui fit l’Allemagne par la conquête, recueille aussi ses admirations ; elle n’a pas de sujet plus dévoué et de partisan plus ardent, mais, hélas ! elle aussi compte parmi ses membres des « post-bismarckiens ! » A lire tout ce qu’il a lu, il semble à Ludendorff que l’Allemagne unie ne puisse subsister que par les mêmes moyens qui ont servi à sa formation et que, pour jouer le rôle qui lui échoit dans le monde, elle doive suivre toujours la voie tracée et augmenter sans cesse sa force armée.

C’est comme lieutenant qu’il entre à l’Académie de guerre de Berlin. Sa réussite y est certaine puisqu’en même temps qu’il gagne le grade de capitaine (1893), il est admis dans le corps si restreint et si fermé de l’Etat-major.