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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/812

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— jus de citron ou extrait de noix de Galles. Soit en passant les plats, soit par d’autres stratagèmes, il glissait des billets dans la main de Madame Elisabeth ou les cachait dans les bouches de chaleur du poêle. D’août 1792 à septembre 1793, cette correspondance ne se ralentit point : les jeux animés du Dauphin et de sa sœur courant à travers l’antichambre, l’affabilité des prisonnières envers les municipaux, étaient autant de moyens de détourner l’attention de ceux-ci et d’échanger à la volée quelque confidence. Et puis, Cléry recevait souvent les visites de sa femme ; Mme Cléry était ordinairement accompagnée d’une de ses amies, Mme Beaumont, qu’elle présentait comme sa parente ; Cléry ne pouvait causer avec elles que dans la chambre du Conseil et en présence des municipaux ; mais, en un langage de convention, il les chargeait de commissions ou recevait d’elles des renseignements précieux. Par les soins de ces deux dames fut engagé « l’aboyeur » qui venait chaque soir aux environs du Temple, crier dans le silence de la nuit les nouvelles de la journée.

Cette chambre du Conseil était le quartier général de la surveillance du Temple ; d’abord installée dans le Palais, on l’avait transférée à la Tour au début de décembre 1792. Elle en occupait l’unique pièce du rez-de-chaussée, vaste salle de 65 mètres environ de superficie, dont les voûtes ogivales retombaient sur un gros pilier central. On avait placé là quatre lits pour les commissaires, leur bureau, le pupitre réservé à Cléry, des armoires, entre autres celle où l’on tenait sous clef les registres sur lesquels les municipaux de service consignaient leurs délibérations, et recopiaient leur correspondance avec l’Hôtel-de-Ville. Des sonnettes reliaient la salle du Conseil aux appartements des détenus, ainsi qu’au premier étage de la Tour, occupé par le corps de garde où une quarantaine de soldats citoyens couchaient sur des lits de camp. C’est encore dans la chambre du Conseil que les municipaux prenaient leurs repas avec les officiers de la garde nationale de service à la prison, — au total, dix ou douze convives. — On s’était d’abord adressé à un traiteur qui, moyennant 4 livres par jour, fournissait le déjeuner, le diner et le souper, agrémentés d’une demi-tasse de café ou d’un verre d’eau-de-vie ; mais il y eut des plaintes et la Commune décida que le service débouche des prisonniers cuisinerait également pour le Conseil