Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine vêtues, de réclames, d’annonces appelant aux maisons de jeux et de distractions souvent mono-sexuelles, que dans cette période dite de deuil. Berlin fut écœurant.

C’est dans l’ordre officiel que se produisirent les manifestations, et dans des réunions en local clos.

Le Parlement se réunit le 12, dans une séance unique a Berlin, pour protester contre les conditions de paix. On entendit des discours enflammés, tant du Président du Conseil que des chefs de groupes, concluant unanimement, sauf les socialistes indépendants, à l’inacceptabilité, à la non-responsabilité de l’Allemagne dans la guerre, et au refus catégorique de signer. Le Président de la Chambre, Fehrenbach, clôtura la séance par le Deutschland über alles. On caractérisera les discours du Parlement et ceux qui furent prononcés au Landtag prussien, en signalant qu’ils obtinrent l’approbation sans réserve du parti national allemand.

La presse adopta la même attitude. On ne parlait plus du bolchévisme. L’épouvantail n’était plus utile. La baudruche était crevée. La thèse était celle de l’Allemagne innocente, ayant bien voulu offrir la paix, aux conditions wilsoniennes et trahie par les négociateurs de Versailles. « On ne signerait jamais cela. Qu’est-ce qu’on risquait ? L’occupation étendue sur la rive gauche du Rhin ? Et après ? Occupez-nous, administrez-nous. Comme nous ne nous défendrons pas, vous ne pourrez nous faire de mal. Entreprenez notre liquidation judiciaire, vous verrez ce que cela rendra. On sait ce que rapporte aux créanciers une faillite où le liquidateur s’est mis. Vous vous lasserez les premiers. Pour la reprise du blocus, nous sommes tranquilles ; jamais l’opinion publique américaine et anglaise ne l’acceptera. On n’affame pas des femmes et des enfants à froid. Puis vos socialistes se remuent. Ils apprécient l’ignominie de votre paix. Ils vont se soulever en notre faveur. Leurs encouragements nous arrivent de toutes parts. Occupez donc l’Ouest ; nous y bolchéviserons vos roupes. Quant à l’Est, nous sommes tranquilles. »

Ah oui ! ils étaient tranquilles à l’Est. La réorganisation militaire avait fait merveille. Les régions orientales étaient bondées de troupes. On exploitait le Polonais à plaisir. L’occupation de l’Ouest aurait été le signal de la ruée sur la Posnanie libérée. Quelle joie de se venger sur ces misérables révoltés !