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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/885

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— Mon âme, il faut jouir de tout ce qui nous quitte
L’attrait de ce qui passe est amer et divin.
Tout fuit et tout renait pour expirer plus vite...
Encore un jour ! avant que ce cœur qui palpite
Soit cendre, puisque tout, ô ma chère âme, est vain !

— Mais alors, quelle est donc cette flamme immortelle
Qui, partant d’un grand cœur, dépasse son destin ?
Et que tout alimente et que tout renouvelle
Et dont la force vive et si brûlante, est telle
Qu’elle brille le soir plus haut que le matin ?

Quel est donc ce tourment tout rempli d’espérance ?
Ce jaillissant élan, ce désir d’un bonheur,
D’une félicité sans heure et sans souffrance,
Que les voix de la terre ayant fait le silence,
Un ciel de certitude emplisse notre cœur ?

Non, non I tout n’est pas cendre au creux morne de l’urne ;
Tu me dis que tout sombre en des gouffres obscurs...
Non ! tout n’est pas promis au néant taciturne
Et hors de sa corolle infiniment nocturne,
L’irrésistible espoir dresse ses pistils purs.

Non ! tout ne finit pas aux plis des derniers langes...
Et malgré le passé dévorant l’avenir,
Triomphe pour jamais des tristesses étranges
Et contemple, éblouie, avec les yeux de l’ange
Ce quelque chose en toi, qui ne peut pas mourir.


GÉRARD D’HOUVILLE.