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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/100

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début, dans une phase d’incertitude et d’obscurité qui tient aux conditions dans lesquelles les votes ont été émis ; nouveau mode de scrutin, fonctionnement de la proportionnelle atténuée, substitution d’un nouveau personnel à l’ancien quelque peu usagé, tout contribue à rendre difficiles les pronostics. Les tableaux qui ont été donnés classant les nouveaux élus dans les anciens cadres et dans les vieux groupements politiques sont absolument faussés par le fait de la copénétration des listes, des programmes et des partis. Tel radical d’hier peut passer pour un modéré aujourd’hui. Tel « sectaire » enragé, selon l’ancien vocabulaire, s’est réclamé de la « tolérance » religieuse et a demandé le rétablissement de l’ambassade auprès du Vatican. La « liste » a fait de ces miracles ; mais la passion, les ambitions ministérielles, les combinaisons de couloir en feront d’autres.

On jure que toutes les querelles sont du passé ; on ne parle que d’union sacrée ; les plus sages résolutions sont prises par des groupes nouveaux, qui s’organisent pour le travail, les réformes économiques, la préparation des lois budgétaires et financières, etc., et qui se targuent de l’avènement des compétences. Oui, mais les chefs de ces groupes ont-ils fait abnégation de leurs légitimes désirs de sortir du rang ? Se contenteront-ils de la gloire modeste des « commissions ? » On remise les anciens présidents du conseil, les anciens ministres, les autorités établies. Se laisseront-elles remiser ? Et puis, si elles s’écartent gentiment, d’autres ne se mettront-elles pas sur les rangs ?

La Chambre nouvelle comprend 340 nouveaux élus. Or l’histoire a signalé les inconvénients des renouvellements trop hâtifs et trop absolus du personnel parlementaire. Elle a déploré la décision de l’Assemblée constituante d’écarter tous ses membres des candidatures à l’Assemblée législative. La nature ne procède pas par saut. Les diverses générations ont l’une après l’autre leur place dans l’existence des peuples. Un peu de sagesse et de patience ne messiérait pas à nos jeunes amis. Ils vantent le travail et la compétence. C’est fort bien ; mais il y a des « vieux » qui sont des travailleurs et qui ne manquent pas d’une certaine technique parlementaire et gouvernementale. Tout cela est à considérer. D’ailleurs la discussion publique se chargera de remettre bientôt hommes et choses à leur place.