pour faire chorus. Mais on s’est sûrement imaginé que, du moins, nous observerions la neutralité, et que l’on pourrait peut-être s’en autoriser pour faire croire que nous approuvions. Quelle bonne fortune si l’on avait pu lancer dans les gazettes et semer dans les pays neutres un communiqué mettant en contraste avec le fanatisme entretenu dans le peuple belge par le gouvernement du Havre, l’attitude réservée et « objective » des « célèbres historiens » Paul Fredericq et Henri Pirenne !
Que l’on ait espéré cette chance, je n’en puis douter. A peine les troupes allemandes avaient-elles occupé Gand, un jeune docteur en uniforme se faisait annoncer chez moi, et tout de suite me priait de lui accorder quelques moments d’entretien sur les causes de la guerre ! Un peu plus tard, j’apprenais que le député Trimborn, attaché à Bruxelles au gouvernement civil de nos provinces occupées, avait demandé au directeur général des sciences et des arts, si je ne consentirais pas à faire quelques conférences sur l’histoire de Belgique ! L’éclat de rire qui lui répondit parut le surprendre. Peut-être, pourtant, le fit-il réfléchir. En tout cas, on se mit à nous surveiller. La chose était facile. Nous ne cachions ni l’un ni l’autre nos sentiments. Si dans cette prison collective que Gand était devenue dès le premier jour de l’occupation, il était impossible d’écrire et de parler en public, du moins pouvait-on se voir encore, par petits groupes, soit chez soi, soit au café.
Les espions qui se glissaient partout eurent tôt fait de surprendre des conversations et d’en informer qui de droit. On ne pouvait plus douter de notre attitude. Quelques professeurs allemands, cependant, de passage en Belgique, tirent pour nous voir des tentatives qui, naturellement, furent repoussées. Ils s’en étonnèrent et ne cachèrent leur étonnement ni à nous ni à d’autres. L’un d’eux, le docteur Hœniger, de l’université de Berlin, m’écrivait naïvement qu’il avait appris que j’étais un « bitterer Feind, » un ennemi aigri de l’Allemagne.
Vers la même époque (février 1915) commençaient les manœuvres de l’ennemi pour forcer l’université de Gand à rouvrir ses portas. Il n’était pas question encore, au moins officiellement, de la transformer en université flamande.
Pourtant déjà s’esquissait l’infructueuse campagne entreprise par l’Allemagne pour s’emparer en Flandre des esprits. Avec l’aide de la Kommandantur, une petite gazette, le