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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/678

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opinion, qui naguère témoignait tant d’indifférence devant le pillage et le gaspillage de nos deniers, il y a bien des signes qui montrent que l’épreuve l’a éveillée. Elle demande à être éclairée, et mise à même de juger comptes et budgets. Elle entend que l’impôt frappe tout le monde, pour que tout le monde en sente le poids et comprenne que les fautes des gouvernants retombent sur les gouvernés. Si elle a toléré autrefois, peut-être même favorisé les abus, puisse-t-elle contribuer aujourd’hui à les corriger !

Et puisse enfin le public, qui fait l’opinion, pratiquer lui-même cette épargne nécessaire dont il a non seulement à donner l’exemple à l’État, mais à offrir le sacrifice pour le salut économique de la nation. Comme contribuable, chacun doit faire campagne pour la limitation des dépenses publiques ; comme consommateur, chacun doit se faire un devoir de la limitation des dépenses privées. S’il est vrai que, sans l’économie publique, l’économie privée est impuissante, il ne l’est pas moins que, sans l’économie privée, l’économie publique serait insuffisante : l’une et l’autre sont nécessaires pour sauvegarder à la fois le crédit public et le crédit privé des Français. Si nous ne voulions pas comprendre la nécessité de l’épargne pour le relèvement du pays, l’étranger se chargerait de nous la rappeler en nous refusant les crédits nécessaires pour couvrir annuellement l’énorme déficit de notre balance extérieure, et nous nous trouverions, avec nos changes de plus en plus dépréciés, devant l’isolement commercial. Il est temps encore, mais il est grand temps de réagir pour préserver notre liberté économique et notre indépendance financière vis-à-vis de ceux dont nous sommes actuellement les débiteurs et dont nous risquerions de devenir les serviteurs : alienum æs acerba servitus ! La France se sauvera, financièrement et économiquement, il faut l’affirmer bien haut ; mais elle ne se sauvera qu’en se donnant avec toute son énergie à l’effort d’épargne, en même temps qu’à l’effort fiscal et à l’effort de travail : que chacun se le dise et se mette à la besogne.


L. Paul-Dubois.