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SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ
EN ALLEMAGNE

(Mars 1916-Novembre 1918)

II[1]


III. — IÉNA PENDANT LA GUERRE

Je quittai Holzminden le 28 août 1916. Un Feldwebel attaché aux bureaux de la Kommandantur devait m’accompagner jusqu’à Iéna. Je l’avais considéré jusqu’alors comme un garde-chiourme, rogue et passablement brutal. À peine étions-nous sortis du camp, je ne le reconnus plus ; il était transformé. C’est que je n’étais plus le prisonnier no  10823. En franchissant les fils de fer, je redevenais un Herr Professor ; les distances sociales se rétablissaient entre lui et moi. Il était devenu tout à coup déférent, attentif, obséquieux ; il se conduisit tout le long de la route en valet de chambre, portant ma valise et mon manteau, s’informant des trains, me faisant place dans les coupés encombrés de voyageurs. Nous arrivâmes le soir à Iéna, et descendîmes à l’hôtel : Zum Schwarzen Bären. Je remarquai que le mot hôtel avait été, par patriotisme, recouvert de couleur blanche… Le lendemain, j’étais placé sous la surveillance du bourgmestre docteur Fuchs. Il m’annonça que Fredericq était attendu. Décidément on avait voulu nous combler d’amabilités. Quelques jours plus tard en effet, j’avais la joie d’em-

  1. Voyez la Revue du 1er février.