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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/848

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pourtant d’en tenir compte et de mesurer de quel poids des siècles d’hérédité servile pèsent, même aujourd’hui, sur des millions de familles allemandes. On ne doit jamais oublier que l’Allemagne est bien plus proche que nous de l’ancien régime. Quantité de progrès auxquels nous sommes habitués depuis la Révolution française, sont chez elle de fraîche date et y sont naïvement admirés comme des créations du génie national. J’entends encore le bourgmestre me demander avec une sollicitude un peu narquoise si nous connaissions en Belgique les « admirables innovations » du système métrique et de l’état civil. Je le surpris très fort en lui disant que nous y étions accoutumés depuis un siècle, et que l’Allemagne les avait empruntées à la France.

Au gré du hasard de mes contacts avec la population et de mes causeries avec mon hôte, Herr Panitz, je recueillais nombre d’observations intéressantes. Je veux au moins noter l’une d’elles. Je me rendis compte peu à peu que le manque si surprenant d’esprit public, ou si l’on veut d’esprit politique, qui caractérise l’Allemagne moderne, ne s’explique pas seulement par les longs siècles d’absolutisme qu’elle a traversés ; la pédagogie en est aussi largement responsable. Il est certain que l’enseignement est ici plus répandu que partout ailleurs, que la discipline et l’hygiène scolaires sont excellentes, que les instituteurs et les maîtres de toute sorte sont soigneusement dressés à leur tâche et que la fréquentation de l’école fait partie depuis longtemps des mœurs de la nation. La législation scolaire comme la législation sociale de l’Allemagne a été plus ou moins imitée dans tous les Etats. Mais la médaille a un revers qu’il ne faut pas perdre de vue. Il m’a semblé que celte pédagogie dont l’Allemagne est si fière, ne tient compte de l’enfant que pour s’imposer à lui. Elle ne lui laisse aucune spontanéité. Elle le marque de sa méthode, comme le balancier frappe une monnaie de son empreinte. L’idéal de l’instituteur n’est pas de former ses élèves pour eux-mêmes, mais pour l’Etat. Aussi ne se borne-t-il pas à cultiver leur intelligence, il entend s’en emparer. Dès son entrée à l’école, l’enfant allemand apprend que son pays est le premier du monde, son gouvernement le meilleur des gouvernements, son histoire la plus glorieuse des histoires. Il est soumis à une culture nationaliste d’autant plus effective qu’elle est plus systématique. L’enseignement