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l’appartement pour se rendre compte que la séquestration dans une pièce unique était impossible. En le supposant reclus dans l’ancienne chambre de Cléry, ainsi que le veut la tradition, l’enfant avait forcément accès au cabinet de garde-robe installé dans la tourelle sud ; par conséquent il circulait aussi dans le corridor conduisant à l’ancienne chambre de Louis XVI. Lui avait-on laissé la disposition de tout l’étage, et ce fameux guichet par le moyen duquel ses geôliers communiquaient avec lui était-il percé dans la porte de fer donnant sur l’escalier ? En ce cas, comment allumait-on le poêle de l’antichambre ? L’esprit, du reste, se refuse à l’idée d’un enfant de huit ans et demi errant toute la journée dans la solitude de ces pièces et de ces tourelles, sans qu’il lui soit arrivé une seule fois de se blesser ou de choir en essayant d’escalader ou de déplacer quelque meuble… Et, d’interrogations en hypothèses, on est amené à cette déduction : ou bien la séquestration n’a pas été aussi absolue qu’on le prétend, ou bien elle avait pour but de dissimuler que la victime d’une si rigoureuse mesure n’était plus le Dauphin. S’il est vrai qu’on a enfoui le prisonnier dans une chambre sombre, qu’on l’a muré de façon à ce que nul ne puisse, en pleine lumière, l’approcher, lui parler, distinguer ses traits, le reconnaître et constater à toute heure son identité, c’est parce qu’on ne pouvait pas le montrer. Et dès lors nait la croyance à quelque substitution ; car les partis qui se disputaient le Roi avaient trop d’intérêt à publier sa présence à la Tour du Temple pour le cacher ainsi et autoriser par là des soupçons et des doutes dont se diminuait la valeur de cet otage qu’ils convoitaient tous.


En suivant Hébert et Chaumette dans leur courbe rapidement descendante, on ne parvient pas davantage à démêler la nette vérité. On s’étonne pourtant de constater, dès que l’enfant est encellulé, la cessation de leurs visites au Temple où ils sont venus si souvent. Au Conseil général, ils ne parlent plus de la prison royale ni de ses hôtes, naguère objets d’une communication presque quotidienne. Ce mutisme est-il voulu, ou ne doit-on y voir qu’une omission justifiée par des préoccupations plus pressantes ? Hébert et Chaumette, sans être encore désignés, se sentent, en effet, serrés de près par Robespierre ;