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examiné par l’histoire. Avant de le taxer d’invraisemblance, il importerait de pouvoir, mieux qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, pénétrer les sentiments intimes du peuple de France aux jours les plus tourmentés de la Révolution. Nombre des plus chauds et des plus sincères partisans de la République demeuraient attachés aux vieilles croyances et respectueux des traditions du passé : songe-t-on que, jusqu’en 1792 tout au moins, la grande majorité de ceux qui furent les Conventionnels, les Jacobins, les membres de la Commune, avaient fréquenté les églises, assisté aux offices, accompli leurs devoirs religieux ? La rupture fut très brusque et le revirement tumultueux ; mais combien durent garder au fond de leurs cœurs, malgré les fanfaronnades et les hâbleries, le sentiment religieux, empreinte d’un long atavisme ! Témoin ce membre du Comité de sûreté générale, Voulland, qui, en pleine Terreur, « allait dans les caves et dans les greniers assister pour son compte » aux messes des prêtres réfractaires que, officiellement et « par devoir, » il persécutait. Le fait qu’on vient de lire, si surprenant soit-il, montre que Simon était de ceux-là ; et comment le mettre en doute puisqu’il a été révélé par la petite-fille même de la marquise de Tourzel, gouvernante du fils de Louis XVI, par la fille de Pauline de Tourzel, la compagne de jeux du Dauphin, par la petite-nièce des deux vénérables femmes auxquelles Simon s’était présenté, par Mme Blanche de Béarn, enfin, en religion sœur Vincent, « qui le tenait directement de son père ? »

À l’époque de la mort de Chaumette, Simon fut nommé à une place d’inspecteur des charrois ; cet emploi ne l’éloignait pas de Paris puisqu’on verra encore l’ex-cordonnier monter, de temps à autre, sa garde au Temple ; quant à « son épouse, » elle n’a cessé de fréquenter à la prison. Dans cette geôle si bien gardée, on entre à son gré « sans carte ; » il suffit de ne point se présenter au grand portail où sont les sentinelles, mais « de frapper à la porte des écuries au moyen d’une pierre disposée à cet effet sur une penture de la porte, — à gauche. » C’est un signal convenu entre le concierge Piquet et les gens du quartier. Le citoyen Lelièvre, l’économe actuel, s’étant aperçu de la manœuvre, en informe le Conseil du Temple, et les Commissaires, voulant, en faire l’expérience, sortent de l’enceinte, viennent cognera ladite porte : « deux citoyens qui