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de problèmes insolubles pour ce petit cerveau, jadis si diversement occupé, et si attentif ; aujourd’hui toujours vide, toujours obsédé.

Si c’est un autre que le petit Roi, un enfant du peuple qu’on lui a substitué, victime de la raison d’État, quel cauchemar continu plus angoissant peut-être ! Quelle est cette maison si triste où on le tient enfermé, et quels sont ces hommes, jamais les mêmes, dont il entend les voix à travers les barreaux de sa cage ? Au dehors Paris vibre, les gens circulent dans les rues ; il y a des marchands, des gamins qui courent, des voitures, des soldats, des femmes jacassant autour des fontaines, de la joie, des rires, du bruit… Mais tout meurt aux alentours du vieux donjon ; si, du fond de la chambre sans clarté on perçoit quelque bruit, c’est celui d’une porte qui retombe ou les commandements brefs des officiers de la Garde montante. Imagine-t-on ce que ces choses ont d’effrayant pour un enfant qui ne sait pas où il est, qui ignore comment on l’a transporté là, à qui, sans doute, on interdit, sous peine des pires châtiments, de proférer une plainte, de prononcer un mot, de poser une question et qui, tout le jour, guette, essaie de deviner, s’inquiète, se morfond dans l’attente de quelqu’un qui viendra lui rouvrir les portes de la vie ? Dans l’un et l’autre cas, quel drame ! À peine croyable.

D’autres énigmes se greffent sur ce mystère : Simon a quitté le Temple, le 19 janvier, très mortifié en apparence et grondant fort contre l’ingratitude de Chaumette et de la Commune. Or, dès le lendemain, il s’en va vers le pauvre logement où vivent dans la retraite deux vieilles dames nobles, toutes deux ci-devant religieuses, et qui reçoivent chez elles un prêtre échappé comme elles aux policiers de la terreur : on célèbre la messe dans leur mansarde ; et c’est pourquoi, entendant des coups frappés à leur porte, elles ont grand peur : elles ouvrent, cependant, et se trouvent en présence d’un homme qu’elles ne connaissent pas. Voyant leur émoi : « Ne craignez rien, dit-il ; je sais que vous recevez ici un prêtre ; je viens lui demander qu’il dise une messe, demain, pour le Roi, pour la Reine, pour Madame Elisabeth et Mme de Lamballe. Je suis Simon ; mais je ne vous trahirai pas et je viendrai même assister à cette messe… » Le trait est inattendu, trop gros d’effet théâtral ou « feuilletonesque » pour mériter, pensera-t-on, d’être