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vision du passé sans laquelle nous ne pouvons rien comprendre aux choses du présent, » et« sur la tombe de sainte Odile, de la douce héroïne qui, pour demeurer fidèle à ses vœux et mériter les promesses divines, brava les persécutions, » il entendit « la voix de la vierge chrétienne qui enseigne l’irrésistible puissance des volontés opiniâtres et des cœurs indomptables. »

Encore une fois, rien de ce qui est nôtre n’est indifférent à M. André Hallays, à ses regards non plus qu’à sa pensée. Mais les paysages français par excellence, la Touraine, l’Anjou, le Vendômois, surtout l’Ile de France ou le Parisis, voilà ceux qui touchent, qui possèdent le cœur de son cœur. Il a tracé de Blois, de Senlis et de Noyon, de Soissons et de Compiègne, des portraits délicieux. Hélas ! pourquoi faut-il que par la barbarie allemande le premier seul demeure encore tout à fait ressemblant. Le voici. « Parmi ces villes aimables, chefs-d’œuvre des siècles et de la nature, il en est peu de plus séduisantes que Blois avec son château, son fleuve et sa colline ; Blois si joliment étage sur la rive de la Loire indolente, Blois dont les toitures d’ardoises surgissent au-dessus des pierres blanches, parmi les verdures des jardins, et qui, dans un paysage harmonieusement ordonné, semble le plus délicat, le plus joyeux et le plus parfait symbole de la Renaissance. Aimer Blois, c’est aimer la France dans ce qu’elle a de plus original et de plus exquis, de plus adorablement français. »

On aime la France de même, et la même France, quand on aime Senlis, exquise entre ses sœurs, alors surtout qu’elle n’était pas telle que ses malheurs et ses blessures nous l’ont faite. Ses rues et ses jardins, ses places, ses monuments, ses maisons, tous ses aspects et toutes ses « vues, » M. Hallavs se plaît à les ordonner autour de sa flèche incomparable, de sa flèche divine. « Ah ! qu’il la fait bon regarder, » chanterait-il volontiers, « La gracieuse, bonne et belle ! « C’est en la regardant, ou ses voisines et ses pareilles, qu’il se sent et s’émeut de se sentir « en plein sol et en pleine histoire de France… au cœur de la région où la France s’est découvert une conscience, une destinée, une langue et un art. » Ailleurs, — ou plutôt devant Senlis encore, un jour de mai : « Sur l’autre rive de la Nonette, retournez-vous. Un petit pont sur une petite rivière ; quelques vergers encore blancs et roses de leurs dernières fleurs ; une rue qui monte à travers la ville, dont les toits et