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les pignons inégaux se dessinent doucement sur un ciel d’azur paie ; des restes de remparts constellés de fleurettes d’or ; de larges bouquets de verdure débordant de toutes parts parmi les tuiles rousses, et enfin le grand clocher dominant tout, la petite ville, la petite vallée, les campagnes qui ondulent à l’infini. Regardez, et si vous êtes de « chez nous, » vous reconnaîtrez le plus parfait, le plus élégant, le plus fin, le mieux ordonné des paysages du monde. C’est ici la France, la France de Fouquet, la France de Corot. » En est-il assez, de « chez nous, » l’auteur d’une telle page ! Et rien qu’à la lire, tous les gens de « chez nous » comme lui, sentent, n’est-il pas vrai, cette France-là leur battre doucement dans le cœur. Paysage, état d’âme. L’équation fameuse et trop souvent citée se vérifie par l’exemple d’un André Hallays. Tel paysage de notre patrie a créé l’état d’âme de notre compatriote. Je me trompe : entre l’un et l’autre il existait une harmonie préétablie. A chaque page, à chaque pas, c’est un charme de la découvrir.


Mais bientôt le cours de ses flâneries entraîne plus avant le flâneur. On sait la démarche et la méthode de l’esprit mystique : « Du dehors au dedans. » Pour les moins dévots d’entre nous elle a du bon. C’est en la suivant que M. Hallays associe à la nature, et cela naturellement, comme il fait toute chose, le génie des hommes et les hommes mêmes. « Critique de lettres et de mœurs. » Un de ses amis nous conseillait de le définir ainsi. Non pas, malgré le second terme de la définition, non pas que jamais il moralise, encore moins qu’il sermonne. Entendons seulement qu’il attache une très grande importance, un très haut prix aux idées morales. L’art pour l’art, (y compris l’art littéraire), l’art au-dessus de tout, voilà des formules, des doctrines que M. Hallays, je le gage, estime non seulement dangereuses, mais criminelles. Autant que le génie ou le talent d’un écrivain, son caractère et sa biographie, son époque et son entourage l’intéressent. Il ne le voit jamais seul ; jamais non plus il ne voit en lui que l’écrivain. Par- là, chez M. Hallays, critique littéraire, quelque chose de Sainte-Beuve se retrouve : le sens, le goût, la passion même de la vie, et de la vie intégrale, celle des choses et celle des êtres, l’une à l’autre mêlée. Sur ce point, telle ou telle petite phrase en dit long ;