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Stendhal ? c’est d’avoir créé un type d’homme complet, également cultivé dans son esprit et dans son corps, et capable d’ajouter ainsi une valeur nouvelle à la vie. Dans ce système, c’est la vie même qui devient une œuvre d’art. Ce sont les qualités de l’homme qu’il s’agit de développer et de mettre en action. Le culte de l’énergie, la passion de la beauté vivante, voilà les grands traits de la Renaissance. La littérature, la beauté peinte ou écrite ne jouent là que le second rôle. Etre d’abord homme accompli, cavalier, courtisan, soldat, et capable d’écrire en se jouant un poème raffiné sur le modèle de Sannazar ou de Montemayor, tel est l’idéal de l’humaniste, et tel est le portrait de ce Philippe Sidney, qui demeure le type achevé de l’Elizabethan.

A vrai dire, il faut se garder d’insister sur ce rapprochement, de peur de le fausser en y appuyant. Il subsiste de grandes différences entre l’homme de la Renaissance et nos contemporains. Les choses ne se répètent jamais deux fois d’une manière identique. Les idées du XVIe siècle et les nôtres n’ont en réalité pas grand’chose de commun. Il est seulement arrivé que la jeunesse anglaise, pour la première fois depuis plus de trois cents ans, s’est trouvée mise en demeure de vivre la vie dangereuse. Il fallait mériter de conserver l’empire, faire la guerre autrement que par procuration, à la manière d’une besogne qu’on fait faire par des spécialistes et où il suffit de fournir l’argent. Cette fois, il a fallu payer de sa personne, et la vieille Angleterre a été fort heureuse de retrouver dans son fonds, comme une armure un peu rouillée, de vieilles qualités militaires devenues depuis longtemps inutiles. C’est là ce qu’il y a de plus « élisabéthain » dans le cas présent, et le vieux Drake, qu’ entrait avec son escadre dans le Guadalquivir et s’en venait en rade de Cadix « griller la moustache au roi d’Espagne, » aurait reconnu de jeunes frères dans les intrépides marins de l’amiral Keyes, qui forcèrent la passe de Zeebrugge et servirent à l’ennemi « un plat de leur façon. »

Je ne puis résumer ici la vingtaine de portraits dont se compose la présente galerie des « nouveaux Elisabéthains. » Quelques-uns sont déjà connus, comme cet Alan Seeger, engagé volontaire à notre Légion étrangère, dont on a publié en France les lettres et les poèmes de guerre, et auquel l’Académie française a décerné un de ses prix. Celui-là du reste ne figure