Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses comités avaient gouverné sans elle que maintenant, revenue de sa peur, elle exigeait que tout « se passât au grand jour. » Une coïncidence prêtait aux commentaires : à l’heure même où les délégués de l’Assemblée entraient en pourparlers avec Charette, on discutait à la tribune de la Convention la question de savoir si la République pouvait prendre, en traitant avec les Puissances ennemies, des engagements qui demeureraient dans le secret durant un temps déterminé et si le Comité de Salut public avait qualité pour contresigner seul ces conventions occultes. Et on était en droit de se demander de quel prix, non révélé, avait été payé l’empressement de Charette à signer sa capitulation. Plus il témoignait de satisfaction, plus on s’inquiétait ; on s’ingéniait à découvrir pourquoi, en cette affaire, il paraissait être l’obligé et quand, par une lettre adressée à Ruelle et que lut à la tribune Boissy d’Anglas, le chef vendéen annonça que pour fournir un gage de sa reconnaissance et de son attachement, il envoyait ses drapeaux en hommage à la Convention, tous les députés se levèrent en criant : Vive la République ! mais se rassirent avec le vague pressentiment d’une immense et ténébreuse duperie, et ils eurent le tact de ne pas introduire à leur barre ces émissaires des ci-devant « rebelles » et de ne point suspendre aux voûtes de la salle les drapeaux de Charette, trophées embarrassants, à la vérité, et dont les soies blanches fleur de lysées, portant l’inscription : Vive Louis XVII ! eussent été aussi déplacées parmi les emblèmes tricolores dont s’ornaient les travées du prétoire que parmi les drapeaux conquis sur les étrangers, formant faisceau derrière la tribune du président.

On osait parler maintenant du petit Roi, et la Convention, durant si longtemps muette à son sujet et désintéressée de sa triste situation, s’inquiétait de savoir ce qu’il adviendrait de lui : car il fallait opter entre ces alternatives : condamner à la détention perpétuelle cet enfant de neuf ans, — et ceci eût été dans l’histoire du monde une si extraordinaire nouveauté que nul n’envisageait comme admissible une telle solution, —ou lui ouvrir les portes de sa prison, soit pour lui permettre de vivre libre en France, soit pour le remettre à quelque Puissance étrangère, éventualités qui, l’une et l’autre, présentaient des inconvénients. Un jour, à la suite de la lecture à la tribune d’un pamphlet royaliste assez plat préconisant le