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portait en ligne le 22 sur le front Condé-Mons, en liaison avec l’armée Lanrezac. Son chef, le Feld-Maréchal sir John French, avait reçu du Ministère de la guerre lord Kitchener des instructions fort limitatives qui attiraient son attention avant tout sur la nécessité absolue de ménager strictement ses effectifs, tout en entrant « le plus possible dans le point de vue de nos alliés. » Si un mouvement en avant lui était demandé sans le concours d’importantes forces françaises, il devra en référer à son ministre avant de l’exécuter : « Votre commandement est entièrement indépendant et jamais, en aucun cas et en aucun sens, vous ne serez sous les ordres d’un général allié. » Le particularisme, le « quant à soi » britannique ne peut s’affirmer avec plus de netteté, et si l’unité de commandement apparaît à ce moment, c’est pour se voir déclarer à tout jamais irréalisable.

Le 20, le général Joffre avait donné l’ordre au général Lanrezac de prendre l’offensive au Nord de la Sambre, sa gauche passant par Charleroi ; le 20, Namur tenait encore ; le général Joffre comptait que l’armée anglaise, qui ne fut prête que le 22, serait en mesure de l’appuyer et qu’il arriverait à temps pour secourir l’armée belge, qui avait déjà retraité sur Anvers. En outre, les renforts de la 5e armée commençaient à peine à arriver et c’est seulement le 23 que le général Lanrezac pouvait se porter en avant, prêt en même temps que l’armée britannique.

Or le 21 le mouvement de rabattement allemand en Belgique amenait les armées allemandes sur la Sambre ; l’armée Bülow attaquait Namur par sa gauche et l’armée Lanrezac sur la Sambre ; emportés par la furie d’offensive qui sévissait alors, les deux corps qui la défendaient vinrent combattre imprudemment dans les bas-fonds au lieu de se retrancher sur les collines de la rive droite comme le commandant de l’armée l’avait prescrit, et ils éprouvèrent de lourdes pertes. La journée du 22 fut encore plus meurtrière, en particulier pour les troupes d’Afrique, qui attaquaient à fond sans préparation et même sans reconnaissances, et dont les uniformes éclatants offraient une cible admirable aux mitrailleuses allemandes ouvrant le feu à courte distance. Les deux corps engagés sont rejetés à une dizaine de kilomètres en arrière.

Enfin, le 23, le général Lanrezac dispose de toutes ses forces et peut attaquer à son tour. Sa gauche, renforcée d’un