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d’agression de la guerre déchaînée par ses propres alliés[1]. Elle a ainsi contribué à sanctionner, aux yeux de l’univers, la justice de notre cause. fille a complété la série des garanties que notre diplomatie avait cherché et réussi à nous assurer, en cas de conflit avec l’Allemagne, alliance russe, concours militaire anglais, neutralité italienne, et dont le jeu régulier a caractérisé la situation diplomatique favorable, dans laquelle les hostilités se sont ouvertes, fille a enfin et surtout exercé sur les opérations militaires une influence indiscutable, en nous permettant de diriger vers notre frontière du Nord-Est ceux de.nos corps d’armée, qui, si l’Italie avait pris parti contre nous, auraient dû être concentrés sur les Alpes. Ce dernier effort a encore été accru par la promptitude et la netteté avec lesquelles la neutralité italienne nous a été notifiée, de telle sorte que nous avons pu, d’emblée, dégarnir entièrement les Alpes et n’y laisser que des douaniers.

A vouloir déterminer la mesure dans laquelle notre situation stratégique en a été améliorée, on entre fatalement dans le domaine de l’hypothèse. Ce n’est pas pour faire reculer certains Italiens, qui, abordant résolument ce problème insoluble, n’y vont pas par quatre chemins. La neutralité de leur pays a, affirment-ils, sauvé le nôtre. La conclusion absolue à laquelle aboutissent ces hardis apologistes résulte de.l’argumentation que voici : « La France n’a eu à distraire aucun de ses corps d’armée, ni du front de Lorraine et des Vosges, pivot dont la résistance a rendu possible le repli et la contre-offensive des armées françaises faisant face au Nord, ni du front de l’Ourcq et de la Marne, où s’est déroulée l’action principale ; la neutralité italienne a donc mis la France en mesure de livrer cette bataille décisive, des Vosges à la région parisienne, avec l’ensemble de ses forces, qui n’ont pas été de trop pour la gagner ; donc elle a « sauvé » la France. C. Q. F. D. »

On aperçoit de prime abord par où pèche ce raisonnement et que c’est par la base. Il repose sur un postulat, qui n’est rien moins que plausible : à savoir, que l’intervention italienne contre nous, en août 1914, n’eût rien changé au plan d’opérations dont procède la bataille de la Marne. Celle victoire succède, en effet, à un repli, ou, si l’on préfère, à une retraite,

  1. La Triple-Alliance était une alliance défensive.