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déterminée elle-même par une offensive manquée. Modifiez quelque chose à cet enchaînement de faits et toute la suite vient à changer, ou plutôt tout devient hypothétique.

Or nul ne sait, et moins que quiconque ceux qui en raisonnent imperturbablement, si, en présence d’une agression ou d’une menace italienne, le plan d’opérations de notre Haut-Commandement contre l’Allemagne eût été identique à ce qu’il fut, l’Italie s’étant déclarée neutre. L’offensive initiale eût-elle été déclenchée quand même, ou abandonnée, ou réduite à de moindres proportions ? Une bataille d’arrêt eût-elle été livrée, sur quelles positions, dans quelles conditions ? Autant d’inconnues, qui prennent la place de cette solution simpliste, contredite par le bon sens : la bataille de la Marne livrée avec moins de forces de notre côté, donc perdue. Il est impossible ou trop facile, ce qui revient au même, de refaire l’histoire après coup et à coup d’hypothèses, et c’est déjà nous être attardés trop longtemps à démontrer l’inanité de ce passe-temps.


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La neutralité de l’Italie a été assez utile pour n’avoir pas besoin que les conséquences militaires en soient arbitrairement amplifiées. Elle a été et reste assez méritoire à nos yeux pour n’avoir rien à perdre non plus à être rattachée aux antécédents diplomatiques dont elle a procédé et dont elle ne saurait être isolée, sans que le caractère véritable en fût altéré.

Ces antécédents diplomatiques, les Italiens omettent généralement d’en faire mention, probablement parce que la plupart d’entre eux les ignorent. La plupart croient, en effet, que la neutralité de leur pays, en août 1914, a été le résultat d’un choix entièrement libre de la part de leur gouvernement, qui, sans être tenu envers ses alliés allemands et austro-hongrois à les suivre dans une guerre d’agression, aurait néanmoins conservé par rapport à nous toute faculté de se joindre aux Empires centraux pour nous attaquer, si bon lui avait semblé. Telle eût bien été la situation, en l’absence de tout engagement préalable entre la France et l’Italie. Mais il existait entre les deux gouvernements des accords diplomatiques, dont la teneur définissait par avance l’attitude de l’Italie, dans le cas d’une agression de l’Allemagne contre la France.