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A Madame Hanska, à Dresde.

[Passy, 18-19 décembre.]

Vendredi, 18 [décembre].

Hier, à deux heures, en allant à la noce de Chl[endowski], je me suis foulé le pied, le même de l’autre année, quand je suis allé vous retrouver à Rome. C’est la troisième fois que j’ai cet accident. Je suis allé à la noce tout de même, et, ce matin, j’attends M. Nacquart qui me dira ce que j’ai. C’est avec des peines inouïes que j’ai pu gagner mon cabinet, ce matin à quatre heures. Cette fois, ce n’est pas le coup de fouet, c’est une simple foulure, je le crois. C’est au pied de la montagne [de Passy] que cela m’est arrivé, sur une partie de glace que je ne voyais pas. Dans les circonstances où je suis, et où j’ai besoin de tant d’activité, si le docteur me condamne au repos, je ne sais comment faire. Je vais travailler, voilà tout.

Ne t’alarme pas, mon loup ; ce n’est qu’un accident si vulgaire, que je ne t’en parlerais pas, si je ne te disais pas tout. Je sens un engourdissement douloureux dans le pied, autour de la cheville ; il m’est impossible de me servir de ma jambe. Je ne pourrai pas aller à la poste de plusieurs jours, et c’est là la plus vive contrariété.


[Vendredi], 25 [décembre], Noël.

Tu n’as pas affaibli le chagrin que l’accident terrible m’a causé quant à tes souffrances, mais tu as diminué mes regrets, car je souhaitais bien vivement un Vict[or-Honoré]. Un Vict[or-Honoré] ne quitte pas sa mère, et tu l’aurais eu pendant vingt-cinq ans près de nous. C’est ce que nous avons à vivre [ensemble]. Hier j’avais repris du café ; j’ai dormi très tard. Ma jambe me fait beaucoup plus souffrir, maintenant qu’elle va vers la guérison, que quand elle était dans la période d’inflammation. Je n’en ai plus que pour cinq à six jours. Je me suis levé à huit heures, et je n’ai pas pu déjeuner et me trouve [occupé] à écrire avant onze heures. Je ne sais, par suite de ce retard, si cette lettre pourra partir [ce matin] ; aujourd’hui [jour de] Noël, les courriers parlent plus tôt, et il faut que la Chouette soit partie, en course, pour que je l’envoie [la lettre] à la poste.

Il parait qu’on pave [à] la maison, et qu’on achève de poser