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les ornements extérieurs. Je vais avoir six petits comptes à solder : le couvreur, le paveur, le bitumier, l’ornementiste, le fumiste et le jardinier. Tout cela va faire trois mille francs, et [avec] les trois mille francs à donner aux gros entrepreneurs, puis [les] deux mille francs dus à l’ébéniste, c’est huit mille francs à payer, et [avec] trois mille francs [nécessaires] à la fin du mois, c’est en tout dix mille francs à trouver par mon travail. Tu vois que, si je paie cela, je ne puis pas payer le versement. J’ai donc un urgent besoin du peu dont tu peux disposer. Ce peu me sauvera en me permettant de payer les choses les plus pressées de la maison. Sois tranquille, tout ce que j’avance à la maison, je le reprendrai au trésor-louloup.

Tu me fais frémir avec tes idées de retourner dans ce sauvage pays où tu meurs et de me planter là, sous prétexte de refaire un trésor-louloup. Mon seul trésor-louloup, c’est toi. Sans toi, point de trésor. Si nous n’étions pas mariés à la fin de juillet prochain, je ne répondrais plus de moi. Le chagrin me dévorerait ou j’en finirais avec une pareille vie. Tu oublies, quand tu parles ou que tu écris ainsi, que voilà vingt ans que je lutte, la plume à la main. Nous serons bien légitimement l’un à l’autre, à la face d’Israël, de juillet à octobre 1847, et nous l’aurons bien payé tous deux, ce bonheur-là ! Tu iras, de mai à juillet, à W[ienzchownia] arranger tes affaires avec tes enfants, mettre ta terre à la banque, et laisser une procuration à Georges pour la vendre à un prix fixé, et nous nous marierons, à ton retour, sans bruit, le plus secrètement possible. Voilà notre avenir ! De mai à septembre j’achèverai la maison, et je finirai de payer mes dettes. Quand tu auras vu ta maison, il te prendra un si vif désir d’y finir tranquillement, ta vie, bercée dans le cœur de Noré, qui travaillera là tout doucement, côte à côte de son loup, que tu feras le diable pour y revenir, j’en suis sûr. Tu me dis de ne [plus] rien acheter : hélas ! à trois ou quatre mille francs près, toutes les acquisitions sont faites. Nous avons tout notre mobilier. C’est à coup de romans qu’il faut lutter. Tu [le] vois, l’Époque publiera [la Dernière Incarnation de] Vautrin ; la Presse, les Paysans ; et les Débats attendent les Petits Bourgeois. Tout cela fait quarante mille francs [à toucher]. Ce n’est pas avec une pareille somme à gagner que je désespérerai de ma position, appuyé sur deux cent vingt-cinq [actions du] Nord !