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facilité à un bâtiment muni de moteurs à combustion interne qui ne tracera sur l’horizon qu’une silhouette horizontale, à peu près invisible, par conséquent. Même si l’approche de ce bâtiment est dénoncée par des éclaireurs, marins ou aériens, il restera aux canonniers du navire menacé la difficulté d’accrocher leur ligne de mire à un trait aussi vague, à supposer que les observateurs de la mâture ou du blockhaus aient pu leur fournir une distance à peu près exacte.

Voulez-vous que nous poussions plus loin l’hypothèse et que nous admettions le bâtiment à moteur capable, sinon de s’immerger complètement, — et cela viendra aussi, en son temps, — du moins de s’enfoncer dans l’eau de manière à diminuer, à mesure qu’il approche, la hauteur de sa silhouette ? Quel redoublement d’avantages ! Car non seulement la gêne continuera pour l’artillerie de l’adversaire, mais si celui-ci réussit à envoyer quelques projectiles bien dirigés, l’assaillant bénéficiera, pour une bonne partie de ses œuvres mortes, de la protection du matelas d’eau qui n’abrite, chez le défenseur, que les œuvres vives, la coque normalement plongée.

N’insistons pas plus longtemps sur ces considérations, quelqu’en puisse être l’intérêt. Nous glisserions dans la discussion du type d’unité de combat de l’avenir ; et cette discussion dépasse de beaucoup le cadre d’une étude sur le pétrole.

Revenons-y et terminons avec l’éminent officier général que nous avons momentanément pris pour guide, en signalant encore une fois le bienfait de l’emploi des moteurs et du combustible qui nous occupent en ce qui concerne l’économie de personnel à bord des bâtiments.

« C’est surtout du côté du « matériel humain » que l’Angleterre doit réaliser des économies, dit l’amiral Fisher, puisqu’en face d’elle se dresse l’Allemagne avec une population bien supérieure, numériquement, même après la paix. Sur le Mauretania[1], l’adoption de l’huile comme combustible a permis de réduire le personnel de 300 hommes !… »

N’est-il pas curieux de voir, alors que l’Angleterre compte au moins 45 millions d’habitants, contre nous, 38 seulement, cet argument invoqué par un amiral anglais bien avant qu’il le soit dans la marine française ? Encore ne s’agit-il, pour le

  1. Frère jumeau du grand et malheureux paquebot Lusitania, 32 000 t. 26 nœuds. Le gain de 300 hommes indiqué par l’amiral Fisher parait toutefois un peu fort.