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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/711

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vois pas quelle définition de cet art pourrait convenir, — prenons l’un des noms, des deux noms les plus connus de la très moderne Italie, — à la musique d’un Malipiero. Il n’en est pas une autre qui s’éloigne davantage de l’idéal, italien aussi, formulé jadis par Marcello : « Appagare l’orecchio, muovere il cuore, ricreare lo spirito. » Ni l’oreille, ni le cœur, ni l’esprit ne saurait prendre plaisir à des sons qui n’expriment ni sensation, ni sentiment, ni pensée.

Dans le cycle contemporain, ou dans le zodiaque de la musique italienne, un autre artiste forme avec M. Malipiero le signe ou la constellation des Gémeaux. Celui-là porte un nom que déjà la Divine Comédie avait fait immortel. Qui ne se rappelle, au second chant du Purgatoire, la touchante rencontre et le tendre embrassement ! « Casella mio, » mon Casella…

« Si une loi nouvelle ne t’enlève point la mémoire ou l’usage de ces chants amoureux qui avaient coutume d’apaiser tous mes désirs,

« Qu’il le plaise de donner cette consolation à mon âme, qui, en venant ici avec son corps, a tant souffert.

« Alors il commença : « Amor che nella mente mi ragiona, » avec tant de charme, que sa douce voix chante encore dans mon cœur.

« Mon maître et-moi, et toute cette foule qui était avec le chanteur, nous paraissions si contents, que nul autre soin ne semblait nous loucher.

« Tous nous restions immobiles et attentifs à ses accents…[1] » Il est un autre Casella, qui vit encore aujourd’hui. Celui-là n’a pas jusqu’ici, du moins à notre connaissance, traduit en musique les canzones de Dante. Celui-là’, son œuvre est considérable. Elle a des partisans, voire des admirateurs. Celui-là, nous avons entendu, aux concerts du Châtelet, ses Pages, ou, comme il les intitule, ses Films de guerre ; puis, au concert dont nous parlons, trois morceaux pour piano (Prélude, Sérénade et Berceuse), réunis sous le titre d’Inezie[2]. Celui-là enfin, nous ne savons pas si Dante, qui chérissait passionnément la musique, l’eût appelé « Casella mio, « niais nous croyons volontiers qu’il ne l’aurait pas mis en Purgatoire.

Dans l’ordre, qui finit par n’être plus seulement successif, mais simultané, des concerts innombrables, (il s’en donna jusqu’à sept en un jour), lesquels distinguerons-nous ? MM. Edouard Risler et Lucien Capet ont consacré deux soirées à l’exécution intégrale des sonates pour piano et violon de Beethoven. « Consacré, » c’est le

  1. Traduction Ozanam.
  2. Le mot italien ne veut pas dire « Inepties, » mais « Bagatelles.