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mot, tant il y a dans une telle interprétation d’une telle musique, de pureté, de respect et de religieux amour. On a parfois comparé les deux partenaires à des apôtres, ou à des prêtres. J’ajouterais volontiers à des lévites, car ils unissent à la maturité profonde une juvénile ferveur.

Au Châtelet, magnifique exécution, par M. Risler, déjà nommé, du sublime et délicieux concerto en sol du même Beethoven. En connaissez-vous l’extraordinaire adagio ? Il n’a guère plus de deux pages ; mais sous la forme d’un poignant dialogue entre le piano et l’orchestre, il met en présence, en conflit, à la manière de Beethoven, — à sa plus grande manière, — les deux éléments, ou les deux principes, qui se partagent le génie beethovenien : la force au paroxysme, et la tendresse extrême, la douleur ou la passion au comble, et la volonté maîtresse de la passion et de la douleur. Une dame disait, derrière nous : « Risler ne joue pas le piano : il joue tout. » Par où sans doute elle voulait dire : « Il y en a qui jouent Bach, ou Mozart, ou Beethoven. Mais, quoi qu’il joue, un Risler, lui, joue la musique entière. Il exprime tout ce qu’elle contient d’intelligence et de sentiment, de vérité et de poésie. » Elle avait raison, la dame.

Et voici que les virtuoses étrangers commencent de revenir à Paris. « Souviens-toi de te délier, » nous conseille un ancien Grec. Défions-nous des Allemands, des demi-Allemands, des pro-Allemands. Ils arrivent. Ils sont arrivés.


CAMILLE BELLAIGUE.