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peuple ne pût laisser dans la détresse le peuple qui s’est dévoué à la cause de tous.

Espérons que l’Amérique elle-même, malgré le vote du Sénat et l’incertitude qui continue à peser sur le sort du traité, sentira la force des liens économiques qui l’unissent à la France et qui ne sont pas moins solides entre elles que les liens moraux et politiques. Attendons avec confiance le jour où les États-Unis, délivrés de leurs embarras intérieurs, reprendront la grande place à laquelle ils ont droit dans l’association des Puissances qui ont combattu ensemble pour la liberté. Et, dès maintenant, ne négligeons rien pour éviter les malentendus entre les alliés d’Europe et pour ne pas laisser, quelques mois après la victoire, des rivalités nationales détruire notre œuvre inachevée. C’est assez que nos anciens ennemis s’ingénient partout à défaire ce que nous avons fait.

En Orient, la situation n’a cessé de s’aggraver depuis quinze jours. Entre Moustapha Kemal, installé à Sivas, et le comité Arabe de défense nationale de Damas, une entente régulière s’est établie, avec soudure à Alep. Des bandes de brigands ont été armées par les Turcs et les Chérifiens ; et elles servent de liaison entre l’armée chérifienne, forte de douze ou quinze mille hommes, et les trois corps turcs d’Anatolie. L’émir Feyçal, à qui les gouvernements britannique et français ont successivement prodigué, l’année dernière, les politesses et les subsides et qui a maintenant usurpé le titre de roi, suit le mouvement, s’il ne l’encourage pas. De toute évidence, le plan est de couper nos communications, d’attaquer nos petits détachements et nos convois, de soulever, s’il est possible, contre nous, les villages musulmans, puis, par une action concentrique de large envergure, de nous chasser de Cilicie et de nous ramener partout au bord de la mer. Nos amis de Syrie et du Liban, qui n’ont rien compris, l’an passé, à nos incertitudes et à nos contradictions et qui ont vu avec tristesse, il y a quelques mois, le général Gouraud brusquement arrêté, par ordre-supérieur, aux confins de la Bekaa, se demandent avec anxiété si l’Entente est devenue assez faible pour se laisser bafouer par l’Arabie qu’elle a créée et par la Turquie qu’elle a vaincue. Depuis que nous avons abandonné à nos amis anglais le privilège de préparer l’armistice sollicité par les Turcs, nous avons eu le loisir d’arrêter avec nos Alliés ce que nous voulions et ce que nous ne voulions pas. Cette volonté commune, c’eût été naguère un jeu de l’imposer. Finissons-en. Nous venons de prendre nos garanties à Constantinople. Signons la paix avec la Turquie, dont l’Entente a