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maladroitement surexcité le nationalisme, mais dont la population la plus nombreuse est encore prête à accepter des conditions raisonnables.

Nous avons des objets de souci plus voisins et plus graves. Ni les tentatives de coup d’État militaire, ni les menaces de bolchevisme, ni les désordres sanglants, ne détournent l’Allemagne de sa pensée profonde, qui est la révision du traité.

Dès le mois de novembre dernier, Lauffenberg et Wolffheim, tout en prônant la dictature du prolétariat et l’alliance avec les Soviets russes, protestaient violemment, au nom des communistes de Hambourg, contre les conditions de la paix et demandaient au peuple de déclarer à l’Entente une guerre implacable. Lorsque Lütiwitz et Kapp, avec leur état-major de barons baltes et de reîtres prussiens, essaient de mettre la main sur l’Empire, leur programme de politique extérieure ne diff’ère pas de celui des Spartakistes. Et entre ces extrêmes, qui se touchent sur tant de points, les syndicats chrétiens et social-démocrates ne se lèvent, à leur tour, que pour mêler leurs voix au chœur de l’Allemagne monarchiste, républicaine ou socialiste. De toutes les parties du Reich, monte le même cri : « À bas le traité ! Des concessions ! »

À croire tous ces bons apôtres, ce serait la monstrueuse paix de Versailles qui serait la principale cause de l’anarchie allemande. Comme si la paix de Versailles était, jusqu’ici, autre chose qu’une vaine aspiration des vainqueurs à la justice réparatrice ! Où sont les clauses du traité qui paralysent la vie de l’Allemagne ? Voilà des mois que les nations alliées et associées assistent, les bras croisés, à l’émiettement de l’œuvre qu’elles ont si péniblement composée. « Vous vous êtes engagés à nous livrer les officiers coupables d’assassinat, d’incendie, de pillage et de viol, dit l’Entente ; remettez-les nous. — Non, répond l’Allemagne, je veux les garder. Ils tenteront peut-être demain contre la République allemande un coup d’État militaire. Mais ils n’en sont pas moins nécessaires à la bonne organisation du Reich. — Soit ! murmure l’Entente, gardez-les. » — « Vous avez promis, dit l’Entente, de livrer à la Belgique et à la France, dans les trois mois qui suivraient la mise en vigueur du traité, un nombre déterminé d’étalons, de pouliches, de juments, de taureaux, de vaches laitières, de béliers, de brebis et de chèvres. — Patience, répond l’Allemagne ; » et l’Entente prend patience. — « Vous vous êtes obligés, dit l’Entente, à remplacer, tonneau par tonneau et catégorie par catégorie, tous les navires et bateaux de commerce et