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l’ennemi sur trois de ses frontières, ne put trouver encore des effectifs à lancer, avec les Allemands et les Bulgares, contre la Serbie et l’armée franco-anglaise d’Orient. Mais, telle qu’elle a été, cette activité n’en a pas moins détourné un considérable appoint de troupes austro-hongroises d’un théâtre d’opérations où elles auraient pesé dans la balance d’un poids très lourd. L’existence du front italien a donc très efficacement servi, dans cette crise, la cause de la coalition et, en particulier, la nôtre, en limitant l’effort de l’ennemi sur le front d’Orient où nous étions directement engagés par l’armée de Salonique et par le Corps expéditionnaire des Dardanelles.

L’effet qu’on vient de montrer, dans les événements balkaniques de 1915-16, s’est renouvelé dans ceux de 1916-17 ; comme il a contribué à réduire les conséquences générales du martyre serbe, le front italien a également, et de la même façon, contribue à réduire celles du martyre roumain. Il va de soi que l’écrasement et l’absorption de la Roumanie eussent été précipités, que la pression exercée par l’ennemi sur le front de l’armée d’Orient, avancé dans l’intervalle jusqu’au-delà de Monastir, eût été dangereusement augmentée, si, aux Turcs, aux Bulgares, aux Allemands et aux Autrichiens opérant sous le haut commandement de Mackensen, avaient pu venir se joindre tout ou partie des Austro-Hongrois retenus sur son front par l’armée italienne.

Après le cataclysme roumain, la défection de la Russie. A mesure que le concours militaire russe, depuis la révolution de mars 1917, est allé en décroissant, jusqu’à disparaître complètement dès avant la paix de Brest-Litowsk, le front italien a eu à supporter le poids d’une proportion croissante de forces autrichiennes, jusqu’à en absorber pratiquement presque toute la part antérieurement employée contre les Russes. Il a donc suppléé, en fait, à l’élimination de la Russie, comme adversaire de l’Autriche, et à celle, toutefois jamais aussi complète, de la Roumanie.

On a fait grand état de cette suppléance, du surcroit de charges qu’elle leur a imposée. C’est la troisième des cinq ou six fois que l’Italie aurait sauvé la coalition ou l’un de ses membres, écoutons d’ailleurs M. d’Annunzio continuer l’énumération des sauvetages, dont nous avons déjà cité deux : « La troisième fois, ce fut quand la trahison et la dissolution de la Russie nous laissèrent seuls contre l’Autriche entière, et que