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III

Nous avons naguère appelé l’attention des lecteurs de la Revue sur le pantouranisme, nous en avons montré les origines et les progrès et nous avons insisté sur le caractère germano-turc de sa propagande. Le pantouranisme a été essentiellement une arme de guerre qui visait à frapper l’Angleterre aux Indes, qui tendait à endoctriner tout l’Islam et à lui faire croire que toute atteinte à l’intégrité de l’Empire ottoman serait une injure à tous les musulmans. L’intrigue germanique, bien secondée par des agents musulmans, étendit ses réseaux sur tout l’Empire ottoman, la Perse, l’Afghanistan, le Turkestan, l’Inde et même la Chine. Le désastre de l’Empire allemand et de ses Alliés n’a pas détruit les fils de ce réseau germano-turc ; les Turcs nationalistes et les Russes bolcheviks les ont repris en main et ont embauché à leur service les agents allemands.

Le nationalisme turc n’est qu’un déguisement des organisations jeunes-turques ; le Comité Union et Progrès s’appelle aujourd’hui « Union des Islams ; » Mustapha Kemal est le continuateur et le complice des Enver, des Talaat et des Djemal. Nouri bey, beau-frère d’Enver, organise les musulmans du Caucase, tandis qu’Enver lui-même crée, avec les Tatars de Transcaucasie et les Turcs des bords de la Caspienne, cet état d’Azerbaïdjan dont les Alliés viennent de reconnaître l’existence de fait, en même temps que celle des républiques de Géorgie et d’Arménie. Nous avons expliqué déjà l’importance de l’Azerbaïdjan et le rôle des États musulmans du Caucase dans les projets germano-turcs ; nous avons montré pourquoi ces plans impliquaient l’extermination définitive de la nation arménienne. Grâce à la faiblesse des Alliés, l’exécution de ces vastes desseins n’a pas cessé de se poursuivre. Des officiers allemands, épaves de l’armée de von Kress, sont restés en Anatolie, ils conseillent les nationalistes turcs, organisent leurs forces militaires ; on en signale plusieurs à Angora, à Sivas, à Erzeroum dans l’entourage de Mustapha Kémal. Trois officiers d’artillerie allemands envoyés par les bolcheviks sont arrivés en janvier au siège du gouvernement turc nationaliste. D’autres instruisent à Orenbourg les soldats musulmans russes. À tout hasard ces enfants perdus du pangermanisme cherchent à