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décida de déléguer trois commissaires pour rendre en dernier ressort une juste sentence : Juvénal des Ursins, archevêque de Reims. Guillaume Chartier, évêque de Paris, Richard Olivier, évêque de Coutances, furent désignés. Ils devaient s’adjoindre un inquisiteur ; ils appelèrent Bréhal.

Il y avait grande foule à Notre-Dame-de-Paris, lorsque le 7 novembre 1455 Isabelle et ses deux fils Jean d’Arc et Pierre d’Arc, accompagnés de quelques bourgeois de Paris et « honnêtes femmes » d’Orléans, comparurent officiellement devant les délégués pontificaux pour demander la révision du procès : et cette foule était si bruyante qu’on dut achever la séance dans la sacristie. Dix jours plus tard, dans la salle des audiences du palais épiscopal, une nouvelle séance était tenue ; et l’on décidait d’aller à Rouen instruire le procès.

L’évêque Cauchon, le promoteur d’Estivet, et probablement aussi l’inquisiteur Le Maistre, étaient morts. On envoya des citations à l’évêque de Beauvais, au promoteur de Beauvais, au vice-inquisiteur de Beauvais. Cela ne nous regarde point, déclarèrent le successeur de Cauchon et le clerc qui avait succédé à d’Estivet. De vice-inquisiteur, nous n’en avons pas ici, affirma le prieur des Dominicains de Beauvais ; et en effet il avait fallu une mesure spéciale de l’inquisiteur général de Paris, pour que Le Maistre, vice-inquisiteur de Rouen, eût pu être considéré comme vice-inquisiteur pour Beauvais. Bréhal, avec une régularité tenace de procédurier, réexpédiait des citations à ces trois adresses, chaque fois que la règle juridique l’exigeait. Il n’y a pas là-bas de vice-inquisiteur, venait redire, au nom des Dominicains de Beauvais, le prieur des Dominicains d’Evreux ; et toutes ces sommations judiciaires font scandale ! L’évêque de Beauvais, lui, pour que les huissiers de ce tribunal papal le laissassent tranquille, expédiait enfin son promoteur, pour dire en substance que Pierre Cauchon n’avait pas dû être coupable, mais que lui, son successeur, ne se prétendait pas intéressé dans l’affaire, et qu’il avait l’intention de ne pas intervenir davantage. Et Bréhal constatait, à toutes les étapes de la procédure, qu’aucune partie adverse ne se dressait contre Isabelle, mère de Jeanne, pour la défense des trois hommes d’Eglise dont le tribunal allait apprécier le jugement. Un jour cependant, un chanoine survint, envoyé par les petits-neveux de Cauchon. Ceux-ci, piteusement, craignant que des