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sanctions prises contre leur grand-oncle ne les atteignissent eux-mêmes dans la fortune qu’il leur avait léguée, faisaient rappeler au tribunal que Charles VII, en prenant possession de la Normandie, avait promis l’amnistie. Telle était la sollicitude des héritiers de Cauchon pour la mémoire de Cauchon.

Des enquêtes faites à Paris, à Domrémy, à Vaucouleurs, à Toul, à Orléans, des mémoires demandés à Berruyer, évêque du Mans, à Bochart, évêque d’Avranches, achevèrent d’éclairer le tribunal ; et vers le milieu de mai, Bréhal fut chargé de condenser, en une Récapitulation, l’ensemble des conclusions qui s’imposaient. En quelques semaines, il fit un vaste travail. Avant qu’en 1893 la Récapitulation n’eût été intégralement publiée, on n’en soupçonnait pas l’importance.

La dialectique de Cauchon avait, en 1431, été moralement vaincue par la résistance d’une conscience ; avec Bréhal, contre cette dialectique, c’était la science théologique, c’était la science canonique, qui faisait assaut, et la défaite des premiers juges de Rouen devenait désastre. Ils avaient essayé d’accumuler les taches sur la mémoire de la Pucelle : une à une, Bréhal les effaçait. Il apportait dans cette étude le même esprit d’équité qui devait l’amener, quatre ans plus tard, à faire réviser le procès d’un bourgeois d’Arras injustement condamné comme Vaudois, et à autoriser des poursuites contre les vicaires généraux coupables de cette condamnation.

Le 7 juillet 1456, dans la grande salle du manoir archiépiscopal de Rouen, Jean d’Arc étant présent, l’archevêque de Reims promulgua la sentence qui frappait de lacération judiciaire les douze articles d’accusation jadis forgés contre Jeanne, et qui déclarait son procès entaché « de dol, de calomnie, de méchanceté, d’injustice, de contradiction, de violations de droit, d’erreurs de fait. » Une prédication solennelle de réparation fut faite à l’endroit même du bûcher, une croix expiatoire y fut érigée ; et bientôt le Dominicain Bréhal et le doyen Bouille, passant les Alpes, allaient dire à Calixte III que justice avait été faite, en son nom, de l’œuvre d’iniquité.


XII. — PORTÉE RELIGIEUSE DE LA RÉHABILITATION DE JEANNE : UNE VICTOIRE POUR LA LIBERTÉ DES AMES

De ce procès de réhabilitation, deux conclusions se dégageaient, dont l’une fortifiait dans l’Église l’autorité du pouvoir