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LA TERRE

La partie cultivable de l’Egypte est limitée par la vallée du Nil et le Delta, dont la superficie est d’environ 33503 kilomètres carrés, à l’exclusion des régions désertiques. Ce sont les premières terres que les hommes ont exploitées d’une façon rationnelle. L’Egypte a servi de champ d’expérience aux agriculteurs. Dans ce creuset, taillé dans le sable et le porphyre par les eaux du Nil, se sont élaborés les premiers essais de culture. Tout y disposait les habitants de, l’Egypte ; c’est en effet le seul point du globe où la culture soit en quelque sorte automatique par suite des phénomènes des aux crues annuelles qui déposent tout le long de la plaine l’engrais et l’eau nécessaires aux récoltes. Les riverains du fleuve étaient d’autant mieux placés pour profiter de ce remarquable privilège que leurs efforts étaient magnifiquement secondés par la nature. Celle-ci leur a servi de professeur agronome.

Les procédés d’exploitation étaient des plus simples. Dès le retrait des eaux, les fellahs de tout âge, s’embourbant jusqu’aux genoux dans la vase liquide, y jetaient le grain à la volée. Il leur suffisait de traîner sur le sol un objet plus ou moins lourd, fut-ce le simple poids d’une palme, pour enfoncer le grain et préparer sa germination. Le froment venait à maturité sans autre soin. Vers le mois de février ou de mars, les céréales étaient coupées à la faucille. Le battage se faisait sur un tertre artificiel, les épis foulés par le pied des animaux tournant en rond, les yeux bandés, autour de l’aire, ainsi qu’au temps des patriarches. Ces habitudes n’ont d’ailleurs point changé et sont encore en usage pour la culture du blé. Nos paysans peuvent s’étonner qu’il vienne ainsi sans labour. Mais l’alluvion du Nil régénère par un curieux phénomène la terre appauvrie par la récolte en lui permettant d’absorber l’oxygène, l’ozone et l’azote de l’atmosphère. L’action du soleil, en desséchant les terrains irrigués par le Nil, y creuse des stries polygonales analogues aux craquelés produits sur certains émaux par la chaleur du four. Ces crevasses géométriques très profondes permettent l’aération du terrain. Il n’est pas de labourage qui puisse réaliser un tel degré de perméabilité, et les fellahs ne se doutent pas que le sol qu’ils exploitent est un