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vaste laboratoire où se déroulent de très complexes phénomènes chimiques, physiques et biologiques. Toutes les conditions se trouvent réunies dans la grande majorité des terres pour que ce laboratoire réalise la perfection. Il est aéré, bien chauffé, abondamment pourvu de matières premières et muni de micro-organismes nombreux et actifs. Les alluvions, dont l’épaisseur considérable varie de 12 à 30 mètres, reposent sur un sous-sol généralement perméable de sables ou de graviers. Elles présentent de remarquables qualités ; il est à noter que ce sol profond et meuble a l’avantage de n’être ni trop sablonneux, ni trop calcaire : il ne s’échauffa ni ne-se dessèche trop vite. Il n’est point argileux, et permet à l’eau et à la chaleur de circuler librement. Le sable, le calcaire, l’argile et l’humus y forment un mélange harmonieux. L’un quelconque de ces éléments physiques n’est-il pas en proportion suffisante ? Le fellah aura toujours à sa disposition de quoi y remédier. Le sable est à proximité pour compenser l’excès d’argile, les amendements calcaires pour lutter contre l’exagération d’humus. En revanche, si le sable est en trop, grande abondance, on a la possibilité de recourir à la culture des engrais verts ou au colmatage. Le sol de la vallée du Nil est riche en matières premières minérales ou organiques ; la potasse y entre pour 0,50 à 0,76 p. 100 ; la chaux pour 3 à 5 p. 100 ; dans la plupart des bonnes terres, les matières organiques donnent 8 p. 100 à l’analyse. Enfin, pour se prémunir contre l’épuisement du sol, le paysan ne dispose pas seulement du précieux limon du Nil, il a encore à sa portée de nombreux éléments fertilisants.

D’abord le trèfle d’Alexandrie dont il enfouit les racines pour récupérer l’azote et les matières organiques absorbées par les plans de coton. Il existe enfin tout le long du Nil, de nombreuses ruines d’anciens villages, depuis longtemps abandonnés, portant le nom de Koms, sorte de montagnes de détritus pro_ duites par la superposition des habitations et des étables qui, durant de longs siècles, y restèrent édifiées. Dans cette poussière de civilisations, les fellahs vont puiser les nitrates, la potasse et la chaux nécessaires à l’amodiation de leurs terres. Comme si tout, dans ce royaume légendaire, devait établir une relation entre l’homme vivant et son ancêtre lointain, les engrais eux-mêmes sont momifiés, et les cendres des populations pharaoniques servent à faire pousser le pain des sujets du sultan Fouad Ier.