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par la plus sincère et la plus vive amitié pour notre pays : « Ajoutez la dette de guerre de la France au coût des réparations et de la reconstruction, comparez les populations, et vous verrez que, si la France n’obtient rien de l’Allemagne, chaque Français aura deux livres à payer, quand l’Allemand ne paiera qu’une livre. » Mais la justesse de ces observations ne touche pas l’Allemagne et, à chaque instant, dans le siège opiniâtre que font nos voisins de l’Est à la bonne foi des Alliés, ils enlèvent une position importante. J’ai grand peur que la décision du Conseil suprême ne tourne à leur profit ; et peut-être le Conseil suprême aurait-il dû se rappeler que le protocole du 28 juin 1919 ayant été ratifié par les Parlements des pays alliés, le délai fixé n’était plus à la merci des gouvernements.

Avec l’Allemagne plus qu’avec tout autre peuple, méfiance est mère de sûreté. Pour être édifiés sur les arrière-pensées de nos anciens ennemis, nous n’avons qu’à observer la manière dont ils se conduisent, chaque jour, envers les industriels des contrées dévastées. Qu’il s’agisse de la maison Krupp ou de toute autre grande firme allemande, les procédés sont les mêmes. On nous impose, pour la fourniture de matières premières en France, les conditions les plus draconiennes. Pour les délais de livraison, aucune usine allemande ne veut prendre le moindre engagement. Pour les prix, on ne les indique sur le marché qu’à titre révocable et on stipule, par une clause protestative, le droit de les augmenter s’il survient une hausse, qu’on ne nous donne, d’ailleurs, aucun moyen de contrôler, sur la houille, le fer, les salaires, les impôts ou les frais généraux. Ce ne serait rien encore ; mais le gouvernement allemand lui-même intervient par des organes officiels, et notamment par le Bureau central d’exportation de matériel industriel, afin d’imposer des prix scandaleux aux Français qui, pour réparer leurs ruines, ont besoin de fournitures allemandes. Nul compte n’est tenu des conventions qu’ont pu signer les parties. Le Bureau central déchire les contrats comme d’autres chiffons de papier et il refuse tout net les permis d’exportation par le motif avoué que les autorités compétentes trouvent trop faibles les prix fixés. Vainement, de son siège de Wiesbaden, notre Office de Reconstitution industrielle essaie-t-il de déjouer ces manœuvres. Les Chambres de commerce allemandes viennent à la rescousse ; elles exhortent les industriels d’Outre-Rhin à ne pas traiter directement avec la France et à faire centraliser les commandes par le groupement allemand pour éviter la libre concurrence et l’abaissement consécutif des prix. Parlerai-je des conditions de paiement ? C’est ici