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continuateur de ses doctrines et de ses méthodes. M. Hammann, dont cet Holstein est évidemment la bête noire, nous rapporte tout au long des traits de sa façon. Il y avait entre autres un petit journal satirique intitulé le Kladderadatsch qui, avant le Simplicissimus, fut à Berlin le plus populaire des journaux amusants. Ce journal avait entamé contre le gouvernement secret des Affaires étrangères, une campagne où le trio Holstein-Kiderlen-Eulenburg était pris à partie sous les noms d’Austernfreund, Spaetlze et Troubadour. On les appelait aussi Insinuans, Calumnians, Intriguans. Tantôt on les voyait affublés de fausses barbes à une table de Weinstube, tantôt à la recherche d’un quatrième à l’écarté. Tout cela était bien innocent. Il n’y avait qu’à rire. Mais cette guerre à coups d’épingles contre un fonctionnaire de l’Empire, couvert par le ministre et le chancelier responsables, exaspérait le malheureux Holstein. Il trouvait cela « anti-prussien. » À bout de patience, n’imagina-t-il pas pour fermer la bouche au journal, de dépêcher au directeur un commandant de corps d’armée ? Cela, c’est la manière prussienne.

M. Hammann, qui est intarissable sur ce sujet, nous donne encore maint détail qui mériterait d’être noté sur la presse dite « officieuse » et sur ses rapports avec le monde de la police. J’aimerais à rapporter l’histoire édifiante de l’aigrefin Normann, qui signait aussi Normann-Schumann, à moins qu’il ne fût le docteur Mund quand il écrivait dans le New-York Herald. Cet individu, sorti de l’ordure d’un cabaret borgne de la banlieue de Berlin, se donnait pour avoir les plus hautes relations dans les sociétés étrangères. Au procès de Xanten, il fut cité comme témoin à la fois par les Juifs, les Antisémites et la police. Il avait gagné la confiance du comte de Waldersee, qui ambitionnait la chancellerie et croyait quelque influence à cet acrobate. Il avait écrit, comme journaliste, dans une feuille de chou de province, un article à scandale sur lequel le ministère ordonna une enquête, et fut chargé de l’enquête comme agent de la police. C’est encore l’histoire du procès Lutzow, où il se découvrit qu’une information inexacte, qui rapportait en le défigurant un toast officiel du tsar, ce qui menaçait d’entraîner toute sorte de complications désagréables avec la Russie, avait été transmise par un gamin de dix-neuf ans, gâte-sauce du journalisme, intro-