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comment finit la guerre.

Le Département de la Guerre ne disposait que d’un faible tonnage, et il avait fallu trois mois pour transporter la première division américaine en France. L’État-major américain calculait qu’à cette allure il fallait sept ans pour transporter l’armée… Quelques palliatifs avaient un peu augmenté le tonnage, mais, en six mois, quatre divisions seulement avaient passé l’Atlantique. Le Département de la Guerre avait été réorganisé par un War College dont l’institution, le 20 décembre 1917, avait donné d’excellents résultats. Le général March, rappelé d’Europe par le ministre de la Guerre, M. Baker, avait été nommé chef d’État-major général avec de nouveaux pouvoirs.

L’organe central était donc créé, qui avait puissance d’action et capacité. Mais il fallait un fait nouveau qui permit à cette action de se déployer. Ce fait nouveau, ce fut l’attaque allemande de mars 1918. L’imminence du péril ouvrit enfin les yeux sur les nécessités de la guerre ; dans les conseils des Alliés, l’unité de commandement s’imposa, le temps prit toute sa valeur, la continuité des attaques en résulta, d’où la victoire finale ; aux États-Unis, plus d’hésitation dans les questions de matériel et de transport, ni dans l’emploi des instructeurs alliés ; la loi du 31 août 1918 étendit la conscription à tous les hommes valides entre dix-huit et quarante-cinq ans, soit à 14 millions d’hommes. Quant au transport de ces masses, il était assuré par la réquisition désormais effective de tout le tonnage américain et par l’emploi du tonnage britannique, car, il ne faut pas l’oublier, l’Angleterre n’hésita pas à imposer à son alimentation les restrictions les plus dures, afin de laisser disponibles les bateaux nécessaires au transport des troupes américaines, qu’elle assura pour les trois cinquièmes.

Le maréchal Foch a résumé la situation le 11 novembre 1919, dans un dîner offert aux membres de la Délégation américaine à la Conférence de la Paix :

« Il y a un an, le 11 mars, dit-il, l’armée américaine en France ne comptait que 300 000 hommes, soit 6 divisions d’infanterie à l’instruction. Il arrivait 30 000 hommes par mois.

« Le 21 mars se déclenche l’offensive allemande sur la jonction des armées alliées dans la région de Saint-Quentin. Vous connaissez ses effets. Elle gagnait bientôt la Scarpe ; elle remontait la Somme, qu’elle franchissait, l’Oise, qu’elle descendait. La situation était grave.