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Il y a les écoles et il y a la vie. C’est elle, d’abord, qui commence d’enseigner. C’est vers elle ensuite que tout enseignement nous ramène. Mademoiselle Arguillis, le roman qui succéda à Gemmes et Moires, se ressentait d’influences diverses. Mais on y devinait le souci de traduire les choses telles que dans leur vérité elles avaient pu apparaître. André Corthis, pour les mieux mettre dans son livre, était retournée en Espagne. Elle avait voulu revoir l’étroite maison blanche au bord de la mer, les chambres au carrelage luisant, les grands lits décorés d’images pieuses, la campagne odorante et les grands bois de pins. Et puis elle s’en était allée passer deux semaines au couvent du Montserrat où les hôtes sont accueillis et logés moyennant une aumône à leur gré comme les pèlerins du moyen âge. Elle avait suivi les offices célébrés en l’honneur de la Vierge Noire, parlé avec les moines qui, pour répondre à une femme, baissent les yeux et détournent la tête. C’est le soir, dans la cellule mal éclairée par une pauvre bougie collée sur la table, seule avec sa fidèle servante aragonaise qui lui servait de duègne et de guide, tandis que s’appesantissait le grand silence de la montagne, qu’elle avait imaginé l’intrigue de ce premier roman, évoqué, dans l’austère décor, les présences amoureuses du peintre Alban Maudières et de Petite-Angoisse.

Intrigue compliquée, violente, bien maladroite encore, mais à travers laquelle certaines tendances commencent assez nettement de se manifester.

Le livre devait s’appeler « L’Imperfectible » et ceci, qui eût suffi à faire frémir lecteurs et éditeurs, montre que l’auteur avait souhaité mettre une idée dans ce premier roman et ce qu’était cette idée : « l’ambition d’un être devant soi-même, le désir du perfectionnement moral, la lutte contre les forces mauvaises la décourageante conviction que cette lutte est inutile parce que la volonté sert de peu de chose et qu’il nous faut jusqu’au bout subir ce que nous sommes… » Je ne juge pas cette très contestable théorie. Quoi qu’elle fût, quoi qu’elle pût valoir, elle était cependant, ou du moins elle avait l’intention d’être la partie profonde du livre. Mais tour à tour trop bien cachée ou se laissant voir avec trop de lourdeur, elle n’en fut point du tout la partie la meilleure. Mademoiselle Arguillis plut à la critique par des descriptions que l’on jugea pittoresques, et par l’instinctif personnage de la petite espagnole. Et ceci peut-être