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fin des hostilités l’a empêchée de déployer toute sa force. Son entrée en ligne, avec des effectifs sans cesse croissants, solides et courageux, assurait la victoire de l’Entente. Actuellement encore, une foule d’œuvres américaines secourent généreusement les régions dévastées et les orphelins de la guerre ; elles étendent leur action bienfaisante dans tous les domaines.

La France sait très bien qu’il n’est pas besoin d’un traité pour lui assurer le concours de l’Amérique en cas d’agression allemande. Ce sont ses amis les plus fermes et les plus sincères qui s’opposent à la ratification du traité de paix et du traité d’alliance, et ils affirment servir ainsi les intérêts français de la manière la plus efficace. Elle reste soigneusement en dehors de ces discussions de politique intérieure et elle a confiance.

La dernière guerre a profondément transformé la face du monde. La Russie, l’Autriche-Hongrie et la Turquie ont disparu ; l’Allemagne reste un danger latent pour la paix, mais son action militaire n’a plus qu’une portée limitée ; en revanche, les États-Unis sont entrés dans la politique européenne comme facteur très important, l’Angleterre a cessé d’être une Puissance uniquement maritime et à sa flotte très augmentée elle peut joindre la force d’une armée considérable ; la Belgique est sortie de la neutralité, et des États nouveaux se sont créés en Europe centrale. La France panse ses blessures et s’est remise au travail ; la délivrance de l’Alsace et de la Lorraine, une union plus complète avec ses colonies, la reconstitution de sa marine marchande et de sa flotte de guerre augmenteront certainement ses forces dans un avenir très rapproché.

Le monde ne cherche pas son nouvel équilibre dans des groupements tels que la Triple Alliance d’une part, l’Alliance franco-russe et l’Entente anglo-française d’autre part. La dernière manifestation de ces idées maintenant disparues est le projet de la coalition continentale contre le monde anglo-saxon ; dès le début des hostilités, la haine de l’Allemagne avait été dirigée particulièrement contre l’Angleterre : « Gott strafe England. » L’entrée des États-Unis dans la guerre avait agi comme dérivatif ; les tracts de propagande, dans les derniers mois de la campagne, comparaient le président Wilson à Néron et à Héliogabale : son sadisme seul prolongeait les hostilités. Le 15 juin 1918, après le succès des offensives du 21 mars, du 8 avril et du 27 mai, le Kaiser se croit victorieux ; il monte au