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Pas un de ceux qu’il a abordés à son retour du front, si décidés fussent-ils à continuer la lutte coûte que coûte, n’a attendu ses premiers mots sans une certaine anxiété. Pas un ne l’a entendu sans trouver dans ses paroles un réconfort et un enseignement. Devinant en effet la question qu’on se retient de lui poser, il commence par y répondre. Les conséquences de la défaite peuvent être et seront promptement enrayées. Limiter les sacrifices qu’elle a entraînés est désormais affaire, moins de moyens que de volonté. Plus un pouce de territoire national ne doit être abandonné sans combat ; l’armée italienne peut et doit arrêter l’invasion, dont l’élan va se ralentissant, la ligne de la Piave doit être défendue et conservée, à défaut de celle du Tagliamento ; l’une ou l’autre viendrait-elle à être forcée, l’abri d’un fleuve n’est pas indispensable à la défensive ; il n’y a aucune raison pour envisager un repli sur l’Adige, le Pô et le Mincio ; le moment est venu de regarder devant soi, non derrière soi. Tel est le langage qu’il tient à tous, sans exception, et qui chez tous contribue à affermir l’espoir, à fortifier la résolution.

Il ne se borne pas à cette sorte d’apostolat. Toute crise comporte ses enseignements. Le général Foch a aussitôt discerné ceux qui se dégagent de la crise que traverse alors l’Italie. Elle a été déterminée par des facteurs politiques et par des facteurs militaires. L’armée, dont une partie a été gangrenée, grogne contre le Comando-Supremo, qui, à son tour, se plaint du gouvernement. Le fait n’a rien de nouveau ni de tout à fait particulier au théâtre des opérations italien. Où n’y a-t-il jamais eu de frottements entre les trois grands rouages de la guerre, la troupe, l’état-major et le gouvernement ? Le tout est que les frottements n’en troublent pas le jeu régulier, surtout au point de rendre possible une calamité comme celle qui s’est abattue sur l’armée italienne. Et, puisque calamité il y a, qu’au moins elle serve à faire appliquer les remèdes urgents, grâce auxquels le mécanisme pourra fonctionner mieux. Aussi, dans ses conversations de Rome, le général Foch, mettant à profit les observations qu’il a faites à Trévise, recommande-t-il plus d’activité et de vigilance dans la direction des opérations et dans le service d’Etat-major à tous les degrés ; dans la surveillance de l’état moral des troupes ; dans les relations du haut-commandement avec le gouvernement ; dans les rapports avec les Alliés,