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la bataille de Sidi-Ferruch à l’expédition de Kabylie, en passant par le siège de Constantine, ce fut une guerre pour ainsi dire ininterrompue, guerre misérable et sans gloire, où s’accomplirent des prodiges de valeur, épopée inconnue, pleine de coups de main, de surprises, d’actes héron]uns et anonymes, d’aventures invraisemblables, touchantes, admirables et bouffonnes, — et qu’il faudra bien que j’essaie de conter un jour…

Après la conquête sanglante du sol, il restait à l’assainir, à le fertiliser, à le mettre en valeur. Il a fallu outiller le pays, lui donner un rudiment d’organisation, des routes, des ports, des chemins de fer, des écoles, des universités et des églises, — le rendre habitable et le civiliser. L’administrateur français, le militaire, le prêtre, le colon latin se sont mis bravement à cette lâche. Ils en sont venus à bout, malgré les pires difficultés, les pires contrariétés, la plupart du temps, hélas ! venues de la métropole. Et ce mauvais vouloir, pour ne pas dire cette hostilité, se manifeste dès les débuts de la colonisation africaine, avant même que les troupes de Charles X n’eussent débarqué sur la plage de Sidi-Ferruch. La presse libérale du temps, — par ses indiscrétions et ses criailleries, — fit tout ce qu’elle put pour amener l’échec de l’expédition. En haine de la monarchie, elle préférait trahir et diminuer la France.

Alger une fois en notre pouvoir, les parlementaires, avec la complicité de l’opinion publique, semblent s’acharner à étouffer la colonie naissante. On lui met tous les bâtons dans les roues imaginables. On lui impose un régime absurde d’assimilation, on lui refuse indéfiniment des routes et des chemins de fer, ou, quand on les lui accorde, c’est avec l’arrière-pensée qu’ils ne serviront à rien. Quand on se décide à agir, on agit pour la forme, pour avoir l’air de faire quelque chose… Et pourtant, malgré toutes ces chances contraires, la colonie a poussé. Elle a grandi, elle s’est développée, elle a fini par devenir un grand Empire qui couvre le quart d’un continent. Les pauvres colons, morts vers 1840 dans les marais et les miasmes de la Mitidja, deviendraient fous de joie et d’orgueil, s’ils voyaient la moisson splendide qu’ils ont semée : une France nouvelle surgie de la brousse africaine, — et si riche, si prospère, si ardente à vivre, si pleine d’avenir, que la métropole peut la regarder comme un objet d’envie et comme un exemple.