C’est qu’ils ont tout sauvé : la fontaine et la grille,
Et l’arbre dont L’arceau s’abaisse avec amour,
Les dômes, les clochers, et c’est pourquoi tout brille
Et se tourne vers eux comme un front vers le jour.
Toutes les choses qu’on croit mortes,
Tous les orgueils des temps passés,
Les faisceaux sculptés sur les portes,
Les chiffres romains effacés,
Toutes les guirlandes fouillées
Par les artistes d’autrefois,
Toutes les lettres embrouillées
Des Républiques et des Rois,
Les balcons perdant leurs dorures,
L’airain des cloches qui verdit,
Les bois, les plombs et les ferrures,
Tout frissonne et tout resplendit.
Eux vont du même pas qu’ils marchaient sur les routes…
Ce pas, toutes les fois que nous aurons des doutes,
Rappelons-nous son bruit si tranquille et si plein,
Pareil au bruit de l’eau qui coule en large nappe
Et dont l’effort continu frappe
La roue égale du moulin.
C’est ainsi que naguère, en des heures obscures,
Aussitôt débarqués des camions penchants,
Tous, un grand calme empreint sur leurs jeunes figures,
Ils s’élançaient à travers champs.
Tels, l’âme habituée à l’énorme secousse
Des horizons boueux,
Parmi les trous d’obus, tristes miroirs d’eau rousse,
Ils accouraient à la rescousse,
Tels ils sont là : tumultueux.
Mais, en ce clair matin, la palme des médailles
Unit sa sombre feuille à l’éclatant œillet ;
La rose et le fusil fêtent leurs accordailles
Sous l’azur de Juillet.
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