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A la face des cieux chaque peuple témoigne
Que dans ses étendards la tempête a soufflé,
Et chacun à son tour comparait et s’éloigne,
Et voici que soudain notre cœur a tremblé.

* * *


Ce sont eux, ce sont eux, cette masse qui bouge,
Ce bloc d’azur terni qui porte dans ses flancs
Des clairons cabossés d’où pend un cordon rouge,
Ce sont eux, forts et nonchalants.

Equilibrant les poids de leurs musettes pleines,
Droits comme une balance entre ses deux plateaux,
Tous sont du même bleu, du bleu des grandes plaines
Et des lointains coteaux.

Coude à coude, prenant ainsi tout leur volume,
Ils sont là, dans l’air, devant nous,
Et les poussières du bitume
Comme un baiser brûlant montent vers leurs genoux.

Il n’y a plus d’armes rivales,
L’œil ne distingue plus le soldat du gradé,
Sauf, en de justes intervalles,
Lorsque flambe au soleil l’or d’un képi brodé.

Tout dans cette heure semble un incroyable songe :
Les pas, les roulements de ces tambours usés,
Et la clameur des murs qui comme un dais s’allonge
Sur tous ces visages bronzés.

Oui, lorsqu’un peuple entier se sent pris aux entrailles,
Lorsqu’après tant de funérailles
Un brusque sort heureux le met sur le pavois,
La foule a des rumeurs, mais du sein des murailles
S’échappent d’autres voix.

Ce qui peut demeurer des gloires disparues
Autour d’un bas-relief, dans le plan d’un jardin,
Dans le tracé des vieilles rues,
Se réveille soudain.