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plupart des pangermanistes vieux jeu ont désavoué ce « bolchévisme national. » Au moment de la discussion des conditions de paix, la presse réactionnaire fait sienne une partie du programme wilsonien, en particulier le fameux principe de libre disposition qui permettra à l’Allemagne de conserver les territoires colonisés par elle, de s’agréger l’Autriche allemande, de s’entendre avec les Tchèques, de renouer les relations avec la Russie, voire d’entrer dans la Ligue des Nations ! On reprendrait ainsi l’ancienne politique « avec de nouveaux moyens et de nouvelles armes. » — « À cette condition, disent les pangermanistes, la paix du monde ne sera plus menacée. Mais, si on nous arrache le bassin de la Sarre, la rive gauche du Rhin, si l’on constitue à nos portes une Pologne indépendante, alors, c’est un sentiment de vengeance qui nous animera tous : le bolchévisme l’emportera peut-être en Allemagne. » On se contente donc ici d’en agiter le spectre, aux yeux de la France qui peut être gangrenée, aux yeux de l’Angleterre qui ne risque rien, qui est la vraie gagnante de la guerre, mais qui doit savoir si elle veut mettre l’Allemagne en état de se reconstituer ou la livrer à tous les aléas du bolchévisme.

Belle occasion que cette vaste discussion de la paix, du 7 mai au 23 juin, pour exciter les passions chauvines, entonner les vieux chants de haine, sortir de l’arsenal toutes les armes, même les plus rouillées. Levée en masse, relèvement soudain du peuple, glorification de la force prussienne, discours de Fichte à la nation allemande, rien n’y manque. Et ce sera toujours la même nostalgie de l’homme fort qui, tel Bismarck, galvanisera les masses et sauvera l’Allemagne. Cette nostalgie n’empêche pas, d’ailleurs, nos bons pangermanistes de fonder leur espoir sur Wilson et sa Ligue des Nations. Eux aussi, ils usent et abusent de l’argument : ou Wilson, ou Lénine. « Nous luttons, nous Allemands, pour l’avenir de l’Humanité. Ce n’est pas l’égoïsme qui pousse l’Allemagne à discuter. L’Allemagne veut réaliser intégralement le programme wilsonien. Elle a le droit d’entrer dans la Société des Nations parce qu’elle est le pays de l’ordre, parce que sa débâcle entraînerait le déséquilibre européen et l’avènement du bolchévisme. Il lui faut donc, non pas le bolchévisme, mais l’ordre, entendez par-là l’.ancien régime, sous la direction d’un homme à poigne capable de conduire le germanisme vers ses hautes destinées. Comment