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III. — INFLUENCE DE L’AFFAIRE DE SAINTE-GLOSSINDE SUR LA PENSÉE DE BOSSUET

Mais dès 1664-1670, on peut apercevoir, — et c’est pourquoi nous y insistons, — quelles réflexions, quelles conclusions lui suggéraient ces spectacles d’anarchie et de corruption. Il me parait sûr qu’ils ont influé sur l’ensemble de ses idées et sur la direction générale de son activité ultérieure, et que les impressions alors reçues par lui expliquent à la fois ce qu’il y eut de solide et ce qu’il put y avoir de flottant et dans ses doctrines et dans ses actes ecclésiastiques.

Je gagerais bien, d’abord, que cette mission d’enquête à Sainte-Glossinde n’est point sans lien avec les gestes de sympathie, qui commencent à cette époque de Bossuet, à l’égard des Jansénistes. Que la règle monastique, c’est-à-dire la mortification, le duel contre la nature, ne soit dans l’esprit du christianisme, il n’est pas douteux. Et du moment que les congrégations émancipées trouvent des espèces de complicité et d’appuis dans les théoriciens du « laxisme, » que les « Augustiniens » combattent, il n’y a point à hésiter ; il faut, sur la discipline et la morale, prendre parti pour ces derniers. C’est ici peut-être le premier des terrains de lutte chrétienne où Bossuet s’est trouvé, par le hasard des choses, militer avec le Jansénisme, aborder le même combat que déjà les gens de Port-Royal menaient. C’est au temps même où il faisait l’instructive exploration du couvent lorrain, qu’Antoine Arnauld publiait, sur la question des dots de religieuses, un traité qui pouvait singulièrement éclairer ces scandales[1].

Mais en même temps, ces mêmes désordres produisent, sur son esprit, un effet en quelque façon contraire. Une conviction qu’elles font pénétrer et qu’elles fixent en lui, c’est celle de la supériorité de l’Eglise séculière, de l’Eglise ordinaire, avec sa hiérarchie, ses prêtres, sa vie publique exposée aux regards de tous et touchant perpétuellement au siècle. La vie monastique est belle, sans doute, mais à quelles chutes exposée ! La

  1. Cet ouvrage d’Arnauld, qui a pour titre : De la conduite canonique de l’Eglise pour la réception des filles dans les monastères, fut composé sous le patronage de plusieurs prélats amis de Port-Royal, Godeau, Percin de Montgaillard, Vialart et Pavillon.