Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/396

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Règle » est admirable, et nul n’a rendu plus de justice que lui à celle de saint Benoît : voyez le Panégyrique qu’il en fit. Mais quand on voit à quoi pouvait aboutir, avec le temps, au moins chez les femmes, ce splendide mysticisme initial, ne parait-il pas plus sage de s’en tenir à cette générale « loi de Dieu » dont il est toujours soucieux, quand il proche, de montrer la « suffisance » et l’efficace, et la clarté ? Et c’est précisément dans les allocutions que Bossuet adressa à des religieuses à cette époque, que je ne peux m’empêcher de trouver l’indice de ces sentiments. Comme il est loin de croire qu’il s’adresse, quand il leur parle, à des chrétiennes « parfaites ! » Comme il doute que, « dès le jour » où elles se sont « ensevelies dans le sépulcre, » elles y soient mortes véritablement ! Comme il soupçonne rudement « leurs inclinations et leurs pensées ! » Avec quelle crudité, quasi désobligeante, il se demande, et leur demande, si « le monde » ne « remplit » pas encore le fond, trouble toujours de leur esprit mal converti, et « ne possède pas, » malgré tout, « leur affection » intime ! Comme il leur dénonce que la perfection n’est point dans les « entretiens, » les « belles paroles, » ni même dans les « sublimes contemplations, » mais tout bonnement dans la « profonde humilité » et l’entière « obéissance ! » Avec quelle ingénuité, ou plutôt avec quelle insistance de défiance, il leur prêche les vérités les plus élémentaires de la vie chrétienne, les maximes les plus terre à terre de la pénitence, du changement et du renouvellement de vie ! Il ne leur parle guère autrement qu’à des femmes toutes plongées dans le monde. Et parfois, même, c’est avec une voix de tonnerre qu’il croit devoir les semoncer, revendiquant l’empire que Dieu lui donne sur toutes et sur chacune de leurs âmes, et leur dénonçant « le jugement » particulièrement « terrible » qui se fera d’elles.

Ainsi donc on est amené à se demander si, pour avoir vu de près ces finales perversions des grandes institutions monastiques, la conclusion de Bossuet ne fut pas celle de Montalembert qui, malgré toute son admiration pour les précieux services rendus au catholicisme par la vie claustrale, se défendit toujours d’établir une parité entre elle et l’Église, entre des institutions sujettes à toutes les infirmités humaines et la « seule institution fondée par Dieu pour l’éternité. »

Faut-il voir une preuve de cette considération médiocre pour