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comme dans l’Océan, où, à côté du phénomène régulier des marées qui déplace la surface liquide d’un mouvement régulier, se produisent des orages, des tempêtes soudaines, Pareillement, à-côté de l’oscillation régulière diurne de l’aiguille aimantée, celle-ci subit parfois de véritables tempêtes magnétiques qui affolent complètement les boussoles, suivant l’heureuse expression familière aux marins.

À certaines époques, on constate soudain que la boussole est agitée par des mouvements brusques et variables et dont l’amplitude, qui dépasse fréquemment et beaucoup l’amplitude totale de la variation diurne dont nous avons parlé, correspond à une force, ou pour mieux dire à un champ magnétique qui atteint souvent la centième partie du champ magnétique terrestre tout entier, et qui parfois même a atteint la vingtième partie de sa valeur.

Pour avoir une idée de ce phénomène, nous pouvons considérer la tempête magnétique des 22 et 23 mars derniers

À l’observatoire de Kew, où opère un des plus habiles spécialistes du magnétisme terrestre, le Dr  Chree, on a nettement observé le phénomène. Tous les détails peuvent en être étudiés après coup, grâce à l’enregistrement continu des variations magnétiques qui se fait automatiquement. Cela est rendu possible par des petits miroirs dont sont munis les aimants suspendus et qui projettent un rayon de lumière sur un papier photographique fixé sur un cylindre qu’un mouvement d’horlogerie fait tourner d’un mouvement continu, comme le cylindre d’un phonographe. Quand l’aimant est immobile le rayon lumineux trace une ligne droite sur le cylindre tournant ; lorsque l’aimant subit un déplacement, un mouvement quelconque, le rayon lumineux est dévié et cela se traduit sur le papier photographique du cylindre (qui est développé et remplacé chaque jour) par une courbe plus ou moins irrégulière et d’autant plus différente d’une ligne droite que l’aimant est plus violemment et irrégulièrement dévié de sa position d’équilibre.

C’est ainsi qu’à Kew, le 22 mars vers 9 h. 10, les aimants enregistreurs se sont mis soudain et avec une brusquerie extraordinaire à s’agiter et à subir des oscillations étonnantes qui, avec de rares intervalles de repos, durèrent des heures. Pour ne parler que de l’aiguille de déclinaison, elle atteignit sa position extrême à l’Ouest, vers 17 heures le 22 mars, et sa position extrême vers l’Est le 23 vers 14 heures. L’écart de ces deux positions extrêmes correspond à près de 3 degrés, c’est-à-dire que la perturbation a déplacé l’aiguille de plus du décuple de sa variation diurne normale. À certains moments,