cerceau, en des poitrails de drap épais et de velours, — coiffés, le dimanche, de bonnets quasi hindous, tant ils sont couturés de mêlai : costumes antiques, dont la gravité fait plus touchante cette fraîche enfance. Et des poules picorent, des canards cancanent, une troupe d’oies, à la vue d’un intrus, traverse noblement le chemin, et soudain se précipite, tous les cols bas-tendus, nous si filant un stupide courroux…
Que tout cela est simple ! La vie est là, devant nous, en ses aspects, ses modes généraux, et qui semblent éternels. Il faut aller en pays arabe pour la voir présenter en tableaux aussi complets et quasi schématiques, en figures qui participent à ce point du symbole, ses âges, ses lois, ses travaux et ses jeux. Cette mère allaitant une larve humaine me signifie toute la maternité, et par-delà, je pressens toute la nature. Ces belles filles qui besognent ensemble de l’aiguille, et nous jettent par-dessous un regard si curieux et si frais, me présentent la créature humaine dans son moment de fleur : il faut les voir, le dimanche, qui cheminent par grandes bandes, et sourient ou font semblant de baisser les yeux, quand passent les bandes de garçons. Et sous le quai, où se groupe chaque jour le peuple des femmes, les hommes qui descendent, maintenant, en bottes de mer, vers leurs bateaux, semblent leur répondre comme un chœur à un chœur dans une scène antique.
Que de fois, après les mois et les années passés au loin dans les confusions d’un monde hors nature et qui cherche sa forme, je suis revenu m’asseoir sur le pré en pente, devant ces images amicales, goûter la tranquille beauté de ces vieux modes de la vie ! Quel repos de s’y oublier, d’en suivre, sans parler à personne, les rythmes assurés, les mouvements qui recommencent toujours I Bonne sensation d’un ordre achevé, tout de suite intelligible, que tous les ancêtres ont connu, vraiment à la mesure des plus simples.
Oui, on est bien là, au-dessus des bateaux qui parlent de patient travail quotidien, près de la chapelle qui dit la religion, sur le pré en pente où les vieux viennent passer leurs derniers beaux jours, et d’où l’on voit l’estuaire, les phares, et le commencement des infinis.