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offensive finale. L’Allemagne capitule, sans attendre le coup suprême. De par l’armistice, une portion du territoire polonais est évacuée par les Centraux. Mais la Prusse polonaise a-t-elle donc été oubliée par les Alliés ? Dans un sursaut de patriotisme, elle se libère partiellement elle-même. Dans les rues de Posen, des enfants, des femmes, désarment les soldats hébétés de Hindenburg. Un gouvernement provisoire se forme à Varsovie : à sa tête, le commandant Pildzuski, le héros des légions polonaises, celui qui vient, durant de longs mois, d’expier dans les geôles allemandes d’avoir refusé d’obéir aux ordres de Berlin ; le patriote volontaire, concentré, et un peu énigmatique, de qui l’on répète volontiers cette boutade qu’illustre sa vie tenace : « Ne dites jamais à un enfant qu’il est incapable d’enfoncer un clou avec sa tête. »

À ce moment-là, isolée des Alliés, totalement ruinée, et dépouillée de tous cadres administratifs, encerclée entre l’Allemagne et le bolchévisme, l’Ukraine hostile, la Hongrie ennemie, la Tchéco-Slovaquie malveillante, la Pologne vit peut-être ses heures les plus critiques. Voici comment s’exprimait M. Hoover, le fameux dictateur américain des vivres :

« Je ne connais dans l’histoire aucune situation aussi désespérée que celle dans laquelle se trouva le grand soldat et patriote Pildzuski, lorsqu’il posa à Varsovie la première pierre angulaire du gouvernement polonais. À ce moment-là, un pays de trente millions d’âmes était en pleine anarchie, en proie à une telle famine que les enfants ne jouaient plus dans les rues. Chaque jour, des milliers de gens y mouraient d’épidémie. Une grande partie du pays était dans les serres affreuses de l’invasion bolchevique. Une population partagée depuis cent cinquante ans, incapable de payer les impôts, était absolument dépourvue de moyens pour maintenir l’ordre ou pour repousser une invasion, et elle ne disposait d’aucun des éléments les plus indispensables pour constituer un grand mécanisme administratif. »

L’éternel honneur de la Pologne, la « performance » qui répondra victorieusement à toute tentative de rééditer les éternels anathèmes prononcés contre son individualisme anarchique, ce sera d’être victorieusement sortie de cette crise. Rendons hommage, avant tout, au sens patriotique de ses populations et à l’esprit politique de deux grands citoyens, le