encens, il s’est regardé comme le maître de Damas et s’est fait proclamer roi, nous avons eu quelque peine à nous déshabituer de le prendre au sérieux. C’est ainsi que le grand-prêtre du temple finit par adorer l’idole dont il montre de loin la statue au peuple. La statue est brisée. Tachons maintenant de ramener en Syrie la paix et la prospérité.
Mais c’est vers le centre de l’Europe que sont aujourd’hui dirigées les plus redoutables entreprises de désordre et de destruction; et l’armistice que Tchitcherine a, au nom du gouvernement des Soviets, accordé à la Pologne, ne doit pas nous faire illusion sur les graves événements qui se déroulent depuis des semaines avec la régularité ininterrompue d’une force naturelle. Au moment même où le message de Moscou était capté par toutes les stations de télégraphie sans fil, Trotzky avertissait l’univers que la Pologne allait cesser de former tampon, au profit de l’Europe, contre la Russie soviétique et qu’elle était destinée à devenir le pont rouge par où la révolution sociale gagnerait bientôt l’Occident. Hier, les missions que la Grande-Bretagne et la France ont tardivement décidé d’envoyer à Varsovie devaient avoir pour tâche essentielle de se renseigner sur les besoins militaires de la Pologne, de lui procurer des instructeurs et du maté riel, de l’aider à réorganiser son état-major, à reconstituer son armée et à sauver son territoire; aujourd’hui, elles ont à veiller sur sa liberté morale et sur son indépendance politique. Le gouvernement des Soviets a, il faut en convenir, manœuvré avec une habileté un peu humiliante pour les vieux cabinets européens. Il a commencé par envoyer Krassine à Londres et par amuser M. Lloyd George avec des négociations économiques. Puis, il s’est jeté, avec une rapidité foudroyante, sur la Pologne, dont le front, étendu et aminci, était incapable de résistance ; et, lorsque M. Lloyd George, éclairé sur l’imminence du danger, a voulu subordonner la continuation de ses pourparlers commerciaux à la conclusion d’un armistice dont il poserait lui-même les termes, le gouvernement de Moscou lui a répondu de haut : « Laissez-nous faire. Nous ne vous connaissons pas. Nous ne connaissons pas davantage la Ligue des Nations. Nous n’avons cure ni d’elle ni de vous. Nous n’acceptons, dans notre différend avec la Pologne, aucune intervention étrangère. Nous sommes prêts à entrer en relations directes avec les Polonais. Nous n’avons d’autre ambition que d’établir des rapports fraternels entre les masses laborieuses des deux pays dont les armées s’affrontent, en ce moment, sur les champs de bataille. » M. Millerand a