Que répondre ? L’enfant semblait si pur et si sain, la superstition, chez lui, si respectable, il importait si peu (l’entreprendre là ce que des années d’école primaire n’avaient pas accompli… Rassuré, il reprit avec un élan extraordinaire :
— Moi, j’y crois. Oh ! oui, j’y crois !
Nous sommes allés, ce matin, jusque près des Virecourt, l’étroit et sinueux ravin dont les voiliers ont tant de peine à tourner les boucles, et d’où je les ai vus surgir comme de prodigieux papillons hors d’une muraille de lierre.
Le paysage changeait, les bois s’interrompaient. Ce n’était plus de la Gaule sauvage, mais des morceaux de la France de Louis XV et de Louis XVI, des campagnes seigneuriales, qui glissaient devant nous, des prairies qui semblaient des parcs, plantées d’arbres séculaires, inclinées en douce pente, comme pour mieux se baigner de tiède clarté d’automne. Parut un tranquille domaine, autour d’une maison de style ancien, mi-ferme et mi-manoir. Entre des dômes dorés de marronniers, j’entrevoyais le toit vénérable et bosselé qui descend jusqu’à presque toucher l’herbe. Un petit mur, tout mangé de mousse et de lichens, séparait les prés des galets et des goémons. Qu’y a-t-il que l’on aime ainsi dans un vieux mur breton, au bord d’une grève déserte ? — dans la barrière champêtre qui l’interrompt, où les bestiaux viennent lentement poser la tête ? Toujours cet accord ancien des choses humaines et de la nature, l’homme généralement invisible, caché, — parfois, dirait-on, parti, mort depuis très longtemps, laissant partout dans cette nature les marques de son antique présence.
Et tout cela venait se présenter en silence, cela défilait lentement devant nos yeux, comme un rêve dont les images naissent, se suivent d’elles-mêmes.
On dit que de vieilles demoiselles de noblesse nantaise vivent là toute l’année, mais on ne les voit jamais. J’imagine qu’elles ne l’ont rien que se souvenir. Tout, ici, le petit mur, les prairies, les allées du parc, le grand toit bosselé, semble d’un autre temps. C’est comme la vision d’un jour de jadis. Rien qu’une vision, car ce petit domaine qui passe là, nous révélant sa vie de paix et de silence, le regard seul peut y entrer. Nulle roche, nulle cale pour y descendre. Cela reste séparé. Pour