Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/683

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement d’effacer les traces d’un grand crime : à cela le procès en réhabilitation eut suffi à la rigueur ; il s’agit de mettre les choses à leur place et de faire que les rapports de la divinité avec l’humanité, cachés au fond de ces interventions mystérieuses, soient mis en lumière. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître une héroïne et une martyre, il s’agit de proclamer une sainte.

Le Père Ayrolles, qui fut un des promoteurs les plus actifs du procès en béatification, fait observer que le cardinal Parocchi, tenant de la cause en cour de Rome, aurait fait écarter la proposition de considérer Jeanne d’Arc comme martyre par cette très haute raison : « Selon sa pittoresque expression, Jeanne d’Arc devait monter sur les autels, comme elle était entrée à Reims, par la grande porte de l’examen de son angélique vie, et non pas seulement par l’examen de la mort, ce à quoi l’on s’attache principalement dans les causes des martyrs. »

Et c’est, en effet, la vraie question : non pas seulement le sacrifice et la mort, mais l’apparition et l’inspiration. Quels sont les contacts de Jeanne avec l’éternelle source de vie ? D’où vient-elle ? Où va-t-elle ? Sa mission si extraordinaire est-elle achevée ? A-t-elle été suscitée uniquement pour aboutir à la cérémonie de Reims ?

Charles VII couronné, est-ce tout ? Charles VII se sert d’elle, l’abandonne et la réhabilite. Est-ce tout ? Après Reims elle est repartie pour Compiègne et pour Rouen. Un tel acte et une telle fin furent-ils pour une seule suite, la mort ? N’indiquent-ils pas d’autres lendemains ? « L’intellect actif » ne devait-il être efficace, que pour une heure ? Par le bûcher de Rouen, n’est-ce pas d’autres profondeurs plus lointaines de l’histoire du monde qui se trouvent illuminées ? »

Jeanne d’Arc, en sauvant la France, avait apporté un secours non moindre au catholicisme et à l’Eglise. Si la France eût succombé, et si elle fût tombée dans les temps du grand schisme, à la veille de la Réforme, sous la domination des rois d’Angleterre, le sort de l’Europe eût, sans doute, été tout autre.

La mission de Jeanne d’Arc, n’a donc pas été seulement française, elle a été, au plus haut degré, universelle et catholique.

Telles sont les raisons de développement infini pour lesquelles le jugement de la réhabilitation lui-même n’était qu’une procédure circonstancielle. Pour le fond de la cause, un autre